Féodalités, de Florian Mazel

J’ai parlé ici, il y a un moment déjà, de La France avant la France, premier volume de la collection Histoire de France des éditions Belin. Un livre épais, très riche et à la lecture très instructive. Il est maintenant temps que je me lance dans volume suivant de cette collection.

En 888, les restes de l’empire carolingien sont en crise et la royauté de Francie occidentale entame une période où elle bouge d’une famille à l’autre. Jusqu’à ce qu’elle échoit à Hugues Capet, que s’arrête définitivement la dynastie carolingienne et que démarre huit siècles de règne capétien sur le royaume. Un royaume qui n’est pas encore la France, avec un souverain qui s’appelle roi des Francs.

Cet ouvrage couvre donc trois siècles. Du début du règne de Eudes, jusqu’à la fin de celui de Louis VII. Une période riche en événements et en changements. L’auteur divise l’ensemble en deux parties, avec une césure autour de 1050.

Dans la première partie, on voit l’essor des principautés qui entrent en concurrence avec le pouvoir royal : Toulouse, Barcelone, Aquitaine, Bourgogne, etc. Des grands du royaume apparaissent et s’affirment. Tours et châteaux se mettent à pousser comme des champignons dans tout le pays. Les menaces extérieures – normands, hongrois et sarrasins – n’aident pas une dynastie carolingienne vacillante. Sur le plan religion, on voit un essor du monachisme qui entraînent non seulement l’évolution des relations entre moines et laïcs mais aussi entre moines et autres membres de l’église catholiques. L’auteur propose aussi un tableau de la relation seigneur-paysan et de la situation économique. On parle aussi de l’évolution des cités.

La seconde partie s’ouvre sur un événement religieux d’importance : la réforme grégorienne. Une sorte de révolution qui va modifier les rapports entre religieux et laïcs et dont les répercussions vont durer un moment. La séquence religieuse est très riche. L’évolution urbaine est aussi importante, car on rentre dans une phase où les villes se développent, où de nouvelles activités apparaissent. En parallèle, l’aristocratie étend son emprise et se féodalise. Les tensions s’avivent entre seigneurs. Les campagnes évoluent aussi : les habitats et les paysages évoluent. Enfin, l’auteur parle aussi des changements à la tête du royaume. Il est bien sûr question de l’extension du domaine royal et de la montée en puissance des Plantagenêt. Mais on parle aussi de l’apparition de la chevalerie et du développement d’une culture de cour, avec notamment la naissance de l’amour courtois.

Tout ça est extrêmement riche et donne presque l’impression qu’aucun sujet n’est négligé. On ressent bien la complexité d’un monde qui ne se résume pas à système simple composé de trois états et d’un royaume bien ordonné avec un roi en haut et une hiérarchie claire de féodaux jusqu’aux simples paysans en bas. Ce qui correspond à la France d’aujourd’hui est encore un territoire extrêmement divers, tant par la langue, l’économie, l’organisation, etc. Et l’auteur montre très bien les différences, notamment nord/sud, sur un tas de sujets. Dans les petits détails, j’ai apprécié qu’on aille au-delà du cliché Louis VII loser répudiant une Aliénor d’Aquitaine trop bien pour lui.

Comme le volume précédent, ce livre est très abondement illustré, probablement une bonne centaine de photographies de lieux, monuments, objets, œuvres d’art. Et des cartes et des tableaux. Et toujours une profusion d’extrait de textes de l’époque illustrant toujours le propos de l’auteur. C’est tout simplement magnifique à voir. Et tout comme pour le premier opus, il existe une version poche de l’ouvrage, mais sans toute la partie iconographique.

Après la conclusion, on trouve à nouveau un « atelier de l’historien », avec quatre parties : le débat historiographique sur la « mutation de l’an mil », le rapport à l’archéologie, celui à l’anthropologie et enfin arts roman et gothique. Là aussi, c’est riche et passionnant.

En annexe, on trouve une chronologie bien fournie sur neuf pages, une bonne vingtaine d’arbres généalogique, un glossaire, la bibliographie, les références iconographiques, des textes, cartes, etc. et un index avec quarante-deux entrés sur des Guillaume, un prénom apparemment très en vogue chez les puissants de cette époque.

Bref, ce deuxième volume ne déçoit pas après le merveilleux premier opus de la collection. C’est une lecture dense et ça m’a occupé un sacré moment. Je vais attendre un peu avant de me replonger dans cette collection, mais je compte bien continuer. Prochaine étape : l’âge d’or capétien.

Féodalités
de Florian Mazel
éditions Belin, collection Histoire de France
704 pages, plus chronologie, arbres généalogiques, glossaire, bibliographies & index (format moyen)

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