Le Pré aux Clercs semble décidé à frapper fort en cette fin d’année avec ce roman de David Anthony Durham. Acacia pèse 670 pages, écrit petit et ce n’est que le premier volume. Le tout livré sous couverture de Didier Graffet, avec quatre petites vignettes au dos représentants les quatre personnages centraux de ce roman. L’éditeur s’est aussi fendu d’un site pour l’occasion. Même le prix est relativement faible pour une telle épaisseur de papier. Bref tout semble fait pour faire de ce livre la nouvelle locomotive de la collection. Mais est-ce que cela vaut la peine de s’engager dans un n-ième premier volume d’une série dont on ignore encore combien de livres elle comptera ?
La comparaison qui me vient en premier à l’esprit après lecture d’Acacia, c’est Le trône de fer de George R. R. Martin. Comme dans l’interminable saga centrée sur le destin de Westeros on est plongé dans un conflit pour le contrôle d’un empire en suivant le destin de nombreux personnages, pas moins d’une dizaine de points de vue en tout. Mais ce qui fait inévitablement penser à Martin, ce sont les quatre enfants du roi dont le destin va être pour le moins tragique et agité. On peut assez aisément rapprocher ces enfants des quatre premiers enfants légitimes d’Eddar Stark. En Corrin on retrouve un peu de la Sansa passionnée par la vie de cour, la naïveté maladive en moins. Mena est le prolongement clair de l’Aria et de ses cours de « danse » à l’épée. Difficile de ne pas croire que Durham se soit laissé inspirer par l’auteur du Trône de fer. Mais il réussit à aller au delà d’un simple décalque.Tout d’abord, il réussit lui à faire vieillir ces enfants de quelques années dans le courant du récit, chose que Martin n’a toujours pas réussi à faire – et qui explique en partie ses retards à rallonge dans la livraison des nouveaux épisodes de sa série. Il y aussi le monde en lui-même. Tout comme chez Martin l’histoire est centrée sur un empire qui s’inscrit dans un monde plus vaste. On a des échos de ce qui se trouve au-delà des mers ou des montagnes sans pour autant savoir exactement de quoi il retourne même si cela semble parfois avoir une influence déterminante sur les événements.Mais ce qui fait vraiment l’intérêt de ce livre ce sont les bases sur lesquelles reposent l’empire dont on suit la destinée : l’esclavage qui prélève un Quota dans la plupart des familles et la Brume, une drogue qui abruti littéralement les masses populeuses, mais aussi une partie des instances dirigeantes.
Le récit fait apprendre une cruelle leçon à nombre de ses protagonistes : les objectifs idéalistes doivent souvent se plier aux exigences nettement plus terre à terre de la Real Politik. Ainsi pas de happy end crétin où les gentils ont vaincu les méchants et permettent l’instauration du meilleur des mondes dans lequel ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.
Enfin, et ce n’est pas le moindre des avantages du livre, le récit se clôt correctement à la fin du volume. On est engagé dans un cycle et la situation à la fin du volume laisse clairement présager d’autres événements d’importance dans un avenir proche pour les personnages et l’empire d’Acacia, mais les principaux fils narratifs sont résolus et permettent ainsi au lecteur de refermer l’ouvrage sans maudire le monde de ne pas avoir déjà la suite à portée de main.