Aujourd’hui est une grande première pour l’Affaire Herbefol : la toute première interview publiée. J’espère que ce n’est que la première et que d’autres pourront suivre dans les mois à venir. Et pour ouvrir le bal j’ai fait appel à l’auteur d’un roman que j’ai lu et chroniqué dernièrement et qui s’impose pour moi comme l’un des meilleurs ouvrages de 2010 : Xavier Mauméjean et son superbe Rosée de feu.
L’Affaire Herbefol : Tout d’abord as-tu un souvenir précis lié à l’imaginaire, un livre, une bd ou un film qui t’aurais marqué pendant ton enfance ?
Xavier Mauméjean : La série télé Voyage au fond des mers avec ces mini soucoupes qui jaillissaient du submersible Nautilus. Le tunnel du temps qui me faisait peur, la scène de la battue dans le film La planète des singes qui m’a fait lire dans la foulée le roman. Le New York englouti de la BD La cité des eaux mouvantes de Christin et Mézières. La poupée meurtrière dans un épisode de Night Gallery, série présentée par Rod Serling, hélas jamais diffusée en France.
Xavier Mauméjean :Je n’avais jamais envisagé d’écrire, et puis je l’ai fait, du jour au lendemain. En ce qui me concerne, je ne crois pas en la part autobiographique dans l’écriture. Cela dit, ma formation a probablement influencé mes textes.
Xavier Mauméjean : Non, ce n’est pas une nécessité. Et le propre de l’inspiration est qu’on ne la trouve pas. Elle s’impose, l’auteur est, au moins dans un premier temps, comme un réceptacle. D’où le fait qu’il ne faut pas surestimer le mérite de l’individu, de l’ego.
Maintenant, pourquoi privilégier un contexte historique ? Aux dernières Utopiales, j’ai écouté avec grand intérêt Serge Lehman. Selon lui, la science-fiction contemporaine, et notamment française, tend à quitter le champ du futur, parce que l’avenir est devenu une préoccupation commune, sociale, politique, écologique. Tout le monde travaille en vue du futur, ou tout du moins s’en inquiète. Alors que le passé reste à défricher, et déchiffrer, notamment ce passé en devenir qu’est celui de l’Europe, qui en l’état n’existe pas. Les livres d’Histoire évoquent encore un passé partiel, partial, teinté de différents nationalismes. Ce que dit Serge est, comme à chaque fois, intéressant.
Pour ma part le passé m’intéresse parce que tout individu le revisite. C’est un comportement universel.
L’Affaire Herbefol : Quelques questions sur les diverses facettes de ton activité dans le monde de la littérature. Tu écris tant pour la jeunesse que pour les adultes. Est-ce que ce sont deux formes d’écriture différentes de ton point de vue ?
Xavier Mauméjean : Pas vraiment, il y a la même exigence. Cela se voit par exemple chez Fabrice Colin. Le traitement des thèmes peut varier, mais la qualité doit être identique. Alice aux Pays des Merveilles, Peter Pan, Le Magicien d’Oz, sont d’abord des œuvres destinées à la jeunesse. Je sais bien que quantité de critiques s’efforcent de démontrer le contraire, comme s’il était gênant que d’authentiques chefs d’œuvre de la littérature mondiale aient pu être écrits pour des enfants. Mais c’est ainsi. Et puis les enfants meurent en devenant adultes, il est normal que, durant leur courte vie, ils aient de quoi réfléchir.
L’Affaire Herbefol : Tu diriges la collection Royaumes Perdus chez Mango. Quel effet ça fait d’être de l’autre côté de la barrière ? Penses-tu que ton activité d’écrivain te différencie des directeurs de collection qui n’ont pas cette facette ?
Xavier Mauméjean : Pas vraiment, d’autant qu’en France nous avons une belle tradition d’auteurs devenus directeurs de collection. Je pense à Gérard Klein, Marianne Leconte, Alain Grousset récemment… L’important est de s’effacer comme auteur, tout en gardant l’acuité du romancier, son savoir-faire comme on le dirait d’un artisan.
L’Affaire Herbefol : Venons-en maintenant à ton dernier roman en date, Rosée de feu, publié chez Le Bélial. Deux questions me viennent immédiatement à l’esprit. Pourquoi un roman sur les kamikazes du point de vue japonais ?
Xavier Mauméjean : Parce que c’est le seul point de vue qui me semblait adéquat. Je ne me voyais pas écrire un roman ponctué de : « Non, c’est pas vrai, ils remettent ça, tous aux abris ! »
L’Affaire Herbefol : Pourquoi des dragons en lieu et place des avions du côté asiatique (japonais et chinois)?
Xavier Mauméjean : Une grande part du récit allait se passer dans les airs. Il me fallait un élément narratif qui incarne la tradition. Non pas un héritage figé, mais quelque chose de présent au quotidien. Le choix du dragon s’est rapidement imposé. Dans un deuxième temps, il fallait désacraliser cette tradition, d’où le fait que les ryû sont décrits de façon réaliste, sans véritablement rien de merveilleux. Alors que les superforteresses B-29 qui bombardent les grandes villes apparaissent comme des créatures terrifiantes. Celles de l’âge de fer, incarné par les Américains. Ainsi, tradition et modernité coexistent, moins de façon opposée que complémentaire, Yin et Yang. Sachant enfin que les Japonais acceptent la technique dès lors qu’elle est compatible avec la tradition.
L’Affaire Herbefol : Tu parviens à dépeindre des dragons crédibles d’un point de vue scientifique. Est-ce que ce fut difficile de les concevoir ainsi ?
Xavier Mauméjean : Leurs caractéristiques physiques proviennent de trois sources. De la tradition asiatique des dragons, principalement chinois et japonais. J’avais déjà partiellement travaillé sur ce thème avec une sinologue dans L’Ere du dragon, et disposais donc d’une bonne documentation. La deuxième source est les chasseurs japonais, leurs caractéristiques. Enfin, la part d’invention se base sur des éléments empruntés aux dinosaures (contexte d’apparition), aux crocodiliens (le clapet au fond de la gueule pour empêcher le retour de flamme est celui du crocodile qui, ainsi, ne se noie pas), aux oiseaux (ossature creuse) aux papillons et à certains insectes (la femelle qui devient mâle pour défendre ses œufs). Le tout agrémenté de fausses statistiques et de considérations sur l’élevage, de manière à lisser l’ensemble, que l’œil du lecteur enregistre ces données comme il le ferait d’informations réelles.
Xavier Mauméjean : C’était assurément un risque, mais que j’avais déjà rencontré en écrivant la nouvelle « Raven. K. » qui se passe dans le camp de concentration de Ravensbrück. Fées, indiennes, Wendy et Clochette y remplaçaient les femmes internées. Un texte difficile à écrire, qui m’avait valu une lettre de déportée me rassurant complètement. Ici, j’ai bénéficié de l’aide attentive d’une famille japonaise directement touchée par les événements. Enfin, la forme narrative, empruntée à la culture orientale, me mettait à l’abri des dérives.
L’Affaire Herbefol : Rosée de feu porte-t-il un message sur la disparition du merveilleux face à la technologie ?
Xavier Mauméjean : Je ne suis pas plus un défenseur acharné de la tradition qu’un zélote de la technique. Le roman décrit ce qui est arrivé, sachant que, comme souvent en Asie, l’un ne remplace pas l’autre. Ils s’équilibrent. Simplement, à la fin de la guerre, l’équilibre repose sur un autre point d’appui.
L’Affaire Herbefol : Si j’ai bien compté il y a dans la bibliographie qui accompagne le roman 38 ouvrages (dont certains très pointus) et 14 articles ou magazines en diverses langues. Combien de temps as-tu consacré à tes recherches pour Rosée de feu ?
Xavier Mauméjean : Quatre années, sans excepter une seule journée.
L’Affaire Herbefol : Au fil du récit tu prends la peine de mettre en lumière certains faits souvent méconnus comme le rôle de l’empereur, les éternelles disputes entre l’armée et la marine ou encore le refus de certains pilotes (en particulier les pilotes aguerris) de se porter volontaires. Est-ce que tu avais l’envie d’essayer d’en finir avec certaines idées reçues ?
Xavier Mauméjean :Oui, tout à fait, à commencer par les miennes. Au départ, j’étais comme nombre d’Occidentaux aveuglé par des chromos : les samouraïs, la fleur du cerisier, l’art de servir le thé. Sans toutefois être victime du complexe d’infériorité qui nous fait trop souvent mésestimer notre propre culture. Le livre, en bien ou en mal, serait écrit par un Français, d’où certaines précautions stylistiques mais aussi certains choix dont je m’explique dans la postface. Puis il y a eu la colère en découvrant les agissements de l’Empire, notamment en Chine et sur sa propre population. L’Empereur, comme tu le signales, n’était pas une marionnette manipulée par les militaires. Enfin, une vision plus apaisée. Elle ne m’a pas rendu connaisseur du Japon comme peut l’être Olivier Paquet, mais j’ai au moins compris mon incompréhension de cette culture tout en saisissant l’élément humain, universel.
Xavier Mauméjean : Oui, j’ai visionné et visionné encore les deux dessins animés de propagande Momotaro qui jouent un rôle important dans le roman. Sinon, j’ai plutôt étudié quantité de clichés. Certains sont touchants, comme les photographies qui montrent les pilotes jouant au base-ball. Tous étaient vraiment très jeunes.
L’Affaire Herbefol : En ce moment le livre numérique est en plein essor outre-Atlantique. La situation est un peu plus calme par chez nous, mais de nombreux acteurs du domaine commencent à s’agiter. Comment ressens-tu cette arrivée d’une forme virtuelle de livres ?
Xavier Mauméjean : Bien sûr avec attention, mais de manière très sereine. Le numérique ne me fait pas plus peur que le jour où j’ai troqué mon stylo pour un clavier. C’est un moyen, pas une fin. Contrairement à ce que certains peuvent croire, il y aura toujours besoin d’authentiques éditeurs pour faire un tri, suivre le texte dans son élaboration, en assurer la promotion.
Par contre, dans le présent immédiat, je m’inquiète de la prolifération de micro-maisons qui s’autoproclament éditeurs. Pour un Griffe d’Encre ou les éditions Actu SF qui font un authentique travail de découverte d’auteurs et de reprise du patrimoine, combien se contentent de paraître ? Les forums regorgent d’« éditeurs », de « directeurs de collection », d’ « anthologistes » qui sont autant de généraux dans l’armée de Zapata. Curieusement, les vrais professionnels, Bénédicte Lombardo, Audrey Petit, Olivier Girard, Gilles Dumay, Mathias Echenay, pour n’évoquer volontairement que les plus récents, sont largement absents des forums. Probablement parce que, à la différence de ceux qui exhibent leurs médailles en chocolat et nous régalent de conseils sur un métier dont ils ne savent rien, ceux que j’ai cités travaillent.
L’Affaire Herbefol : Enfin pour terminer quels sont les projets sur lesquels tu travailles ou que tu souhaiterais développer ?
Xavier Mauméjean : Je viens de terminer l’adaptation de Fantômas sous forme d’un feuilleton en deux épisodes pour France Culture. Et j’assiste actuellement aux répétitions d’un spectacle de musique contemporaine initié par Art Zoyd dont la partition est écrite par le compositeur André Serre-Milanet dont j’ai rédigé le texte. La première aura lieu à Valenciennes puis l’œuvre devrait être reprise dans différentes villes de France.
Un grand merci à Xavier Mauméjean pour le temps et la patience qu’il a consacré à cette interview réalisée par mail.
« Les forums regorgent d’« éditeurs », de « directeurs de collection », d’ « anthologistes » qui sont autant de généraux dans l’armée de Zapata. Curieusement, les vrais professionnels, Bénédicte Lombardo, Audrey Petit, Olivier Girard, Gilles Dumay, Mathias Echenay, pour n’évoquer volontairement que les plus récents, sont largement absents des forums. »
… Dit monsieur Mauméjean, curieusement atteint de cette brave maladie des forums. Quelle conclusion doit-on en tirer ?
Lol.
Sinon, bravo quand même pour son dernier livre qui est en effet bien agréable. Mais les crachats sur ses confrères ne donnent pas vraiment envie de continuer à le lire, et c’est un bibliothécaire passionné qui le dit avec tristesse.
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Bien cordialement,
Julie Delzant, stagiaire de Brigitte Gautrant
Brigitte GAUTRAND
Responsable Presse Jeunesse
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