Quelque part dans le courant des années 1990, j’ai lu L’été de cristal, La pâle figure et Un requiem allemand, trois romans policiers du britannique Philip Kerr. Ce triptyque, depuis rebaptisée la Trilogie Berlinoise, suit les tribulations de Bernhard Gunther, inspecteur de la police du Berlin des années 1930-1940. Ces trois romans m’avaient laissé le souvenir d’un bel ensemble, avec de bonnes enquêtes rehaussées par un contexte historique assez particulier et bien décrit. Kerr s’occupa ensuite de continuer dans la voie du thriller sous diverses formes, y compris deux romans qui lorgnent du côté de la SF (La tour d’Abraham et Le sang des hommes). Puis, après une quinzaine d’années, Kerr revint à Bernie Gunther, avec La mort, entre autres.
Si les deux premiers volumes de la série se passaient en pleine Allemagne nazie, le troisième se situait dans les années d’après-guerre. Ce nouvel opus continue quelques temps après la fin du précédent. La femme de Bernie est à l’hôpital, ce dernier s’occupant de l’hôtel qu’elle a hérité de son père dans les environs de Munich, dans une ville autrefois sans histoire nommée Dachau. Mais il est écrit quelque part que la vie de Herr Gunther n’est pas un long fleuve tranquille et les ennuis de toutes sortes vont refaire surface rapidement.
Si le Reich hitlérien faisait un cadre intéressant avec la dose de noirceur attendue dans les romans noirs, l’Allemagne occupée d’après-guerre n’a rien à lui envier. Entre les anciens prisonniers de guerre, les restes de marché noir et les espions de toutes sortes, la faune est variée et propice aux complications. Sans parler des juifs chasseurs de criminels nazis.
La vision à la première personne qu’offre Bernie Gunther est pleine d’intérêt, avec le regard de ce personnage qui a vécu la guerre sur le front russe, témoin de sa cohorte d’exactions. Le détective n’a pas perdu de son impertinence ni de l’ironie qui coule en permanence dans ses veines.
L’une des choses que j’ai particulièrement apprécié dans ce livre, c’est le fait d’avoir le point de vue d’un allemand qui vit dans l’immédiat après-guerre avec le poids de l’Holocauste en permanence collé sur les épaules. Bien que Bernie Gunther ne soit pas lui même directement impliqué dans la Solution Finale, il a gravité en marge et se sent coupable par association. La chose est encore plus oppressante à Dachau, qui est resté dans l’histoire comme l’un des premiers camps de concentration du Reich hitlérien.
Le roman offre une fin intéressante qui ouvre une belle porte pour une suite promettant encore de belles aventures à ce pauvre Gunther que le destin ne veut décidément pas laisser tranquille. Mes retrouvailles avec Bernie Gunther se sont très bien passées et je compte bien lire les suivants, puisque Kerr ne s’est pas contenté d’un simple ajout à la trilogie, la série comptant à présent huit volumes en anglais.
La mort, entre autres (The One From the Other)
de Philip Kerr
traduit par Johann Frederik Hel Guedj
édition du Masque (grand format) Livre de poche (format poche)
406 pages (grand format) 576 pages (poche)
Pour continuer les aventures de Bernie Gunther : c’est par ici.
Quel personnage ce Bernie! Il a un côté très attachant, un peu « chien perdu », mais surtout un regard sans concession sur ce que vit son pays. Pour avoir lu, maintenant, toutes les aventures de Bernie, dans le désordre, c’est-à-dire dans l’ordre de parution et non chronologique, j’ai envie de reprendre au début. Car plus qu’une « série » policière, c’est une plongée dans l’histoire allemande aux heures les plus noires.