Le genre de l’uchronie peut s’aborder de différentes façons. Dans Le complot contre l’Amérique de Philip Roth on se trouvait dans le cas d’un univers développé pour les besoins du récit, mais cela restait un ouvrage dont le cœur était constitué par l’intrigue familiale, qui ne pouvait exister sans cet univers particulier. Avec How few remain, Harry Turtledove utilise le genre d’une autre façon. On a là un ouvrage où l’auteur pose un point de divergence et il en étudie ensuite les conséquences sur le plan historique.
Tout comme l’année dernière, je participe au challenge Winter Time Travel organisé par le blog de Lhisbei. Cette chronique d’un ouvrage uchronique s’inscrit donc dans ce challenge.
Dans le présent livre, la guerre de Sécession est remportée par le sud qui obtient ainsi son indépendance et tisse des liens assez forts avec la France et le Royaume-Uni, provoquant un rapprochement du nord avec la Prusse. Une quinzaine d’années plus tard, l’achat par la Confédération de trois états au Mexique remet le feu au poudre et déclenche une nouvelle guerre avec l’Union. On suit alors toute une gamme de personnages, réels ou imaginaires, à travers cette deuxième guerre civile.
Dans l’ensemble, les personnages de Turtledove sont très moyens, mais la mise en scène de certaines figures historiques est assez agréable. On y fait même quelques découvertes, authentiques, comme les discours d’Abraham Lincoln qui feraient presque la joie d’un militant trotskiste. Les lignes narratives suivies sont assez nombreuses, mais se distinguent assez clairement les unes des autres. L’ensemble est plutôt bien rythmé et c’est avec intérêt que l’on assiste à la mutation d’un monde qui suit un chemin différent du notre.
Le point de divergence utilisé par Turtledove est intéressant parce que tout à fait crédible. Peu avant la bataille d’Antietam, des soldats de l’Union retrouvent un étui à cigare égaré par un officier sudiste. Cet étui contient les plans de Lee pour sa prochaine offensive contre le Nord, ce qui va permettre à McClellan de contrer Lee à Antietam et amoindrir le risque d’une reconnaissance du Sud par les nations européennes. Cette version peut sembler légèrement improbable, pourtant c’est celle qui a eu cours dans notre univers. Turtledove part donc du principe que ces plans n’ont pas été retrouvé par le camp adverse. En fait, l’uchronie est ici plus probable que notre réalité historique, ce qui permet de mesurer à quel point l’histoire peut parfois basculer sur des détails anecdotiques.
S’il peut se lire indépendamment du reste de la série, ce roman est néanmoins suivi de deux trilogies et d’une tétralogie, que je compte bien trouver le temps de lire un jour ou l’autre.
How few remain
de Harry Turtledove
éditions Del Rey
600 pages (poche)