L’une des grandes habitudes des auteurs de fantasy est de revenir régulièrement dans un univers particulier, comme l’a encore fait Robin Hobb avec sa tétralogie en cours, quand ils n’y restent pas à demeure pendant quelques décennies comme Raymond E. Feist. Le britannique Joe Abercrombie n’échappe pas à la règle puisque après sa trilogie de la Première Loi il continue d’écrire dans le même monde. Servir froid est ainsi le premier de ses romans « uniques » qui poursuivent l’exploration de cet univers.
Si l’intrigue de la Première Loi était assez élaborée et suivait plusieurs directions en même temps, celle de Servir froid est nettement plus simple : la vengeance. Monza Murcatto a servi comme mercenaire pendant des années pour la plus grande gloire du grand-duc Orso, jusqu’à ce que ce dernier, inquiet de sa popularité grandissante, décide de s’en débarrasser. Mais Monza survit et jure de se venger. Face à des cibles puissantes et bien protégées, elle va devoir recruter des complices pour parvenir à ses fins.
Avec Servir Froid, Abercrombie offre un récit différent de celui de la Première Loi. L’intrigue est nettement plus simple et si l’auteur propose quand même quelques petits rebondissements sympathiques, on n’y a pas la largeur de vue de sa première trilogie. Ceci rend l’ouvrage plus léger et moins exigeant pour le lecteur, un peu comme si Abercrombie avait voulu s’offrir une petite respiration après sa trilogie. La galerie de personnages est aussi colorée et attrayante que dans ses ouvrages précédents. On sent d’ailleurs rapidement que les tensions entre personnages vont partager la scène avec la vengeance de Monza. L’écriture est bien rythmée et les pages tournent avec rapidité. Les dialogues sont émaillés de nombreuses répliques qui font mouche et provoque quelques sourires voire un ou deux ricanements. Il règne par moment dans ce livre comme une atmosphère de western spaghetti.
Si le roman contient pas mal de références à la Première Loi, y compris certains personnages qui y apparaissaient, il doit pouvoir cependant se lire directement sans trop de soucis. Je pense même qu’il constitue une porte d’entrée plus aisée à cet univers que Premier sang, tant par le fait que son intrigue est plus légère que par la nervosité du rythme qui permet de s’y plonger rapidement. Si avec sa première trilogie Abercrombie n’était pas très loin du Trône de Fer de George R. R. Martin, avec Servir froid on est plutôt dans la lignée des Mensonges de Locke Lamora de Scott Lynch.
Au final, Servir froid est un ouvrage moins ambitieux que la Première Loi, mais ce roman constitue une très bonne lecture de détente, de celles qui donnent envie d’y revenir un peu plus tard pour en reprendre une petite louche. Surtout si les volumes suivants ont d’aussi jolies couvertures.
Addendum après relecture du livre (en 2024) : Ça passe toujours aussi bien. La mécanique une partie / une cible à éliminer, les personnages qui ont du mal à bosser ensemble, la vengeance qui ne satisfait pas forcément, les retournements de situation, etc. Ma relecture étant un peu plus rapprochée de celle de la trilogie qui précède, je pense avoir vu plus de références que la première fois, mais jamais rien qui gênerait vraiment quelqu’un qui découvrirait l’univers par ce volume.
Servir froid (Best served cold)
de Joe Abercrombie
traduit par Juliette Parichet
illustration de Dave Senior et Didier Graffet
éditions Bragelonne
667 pages
Disponible en numérique chez 7switch
tu sais que c’est mal, tres mal, de donner envie de lire un livre comme ca ?
Oui, je suis fourbe et j’en suis fier. :p