Il y a de cela quelques années, j’avais vu arriver une étonnante série de fantasy, la trilogie Loredan. Dû à la britannique K. J. Parker, ce trio de romans m’avait apporté quelque chose d’assez inattendu (et je ne désespère pas de pondre un jour les chroniques que méritent ces ouvrages). Et quelques années plus tard arriva Ombre, le début d’une nouvelle trilogie intitulée Charognard.
L’ouverture du roman nous montre un personnage qui reprend conscience, au milieu d’un champ de bataille parsemé de cadavres. Il ne sait pas qui il y est, ni l’endroit où il se trouve ou ce qu’il y fait. Bref, il nage en plein mystère. Ce début semble assez classique, d’autant plus qu’il évoque assez ouvertement celui de La mémoire dans la peau de Robert Ludlum. Mais Parker ne va pas simplement nous proposer Jason Bourne dans un univers de fantasy.
Ombre est donc l’histoire d’une quête, mais plutôt que la quête d’une épée, d’une couronne ou tout autre classique de la fantasy, il s’agit ici d’une quête identitaire. Notre protagoniste cherche à savoir qui il est. Les indices ne manquent pas, notamment les diverses occasions où il croise des gens qui semblent manifestement le reconnaître et visiblement pas en bien, mais chaque rencontre se solde sans qu’il puisse en tirer quoi que ce soit d’utile. Parker joue aussi avec les rêves et le déjà vu, multipliant les fausses pistes qui égarent le protagoniste et avec lui le lecteur. Bref, le mystère entourant le personnage est aussi opaque que celui autour de l’identité de Parker, qui est un pseudonyme et dont on ignore à peu près tout en réalité.
Pourtant notre protagoniste semble avoir une certaine importance. Certains tentent de l’assimiler à un dieu dont certaines prophéties voient la venue comme un signe de la chute de l’empire. Au cours de ses pérégrinations, il teste divers métiers qui lui permettent de cerner un peu mieux ses capacités. Et l’on suit aussi un autre personnage qui semble presque une sorte de double de notre protagoniste, accentuant ainsi les incertitudes sur son identité.
A travers ce personnage, Parker nous invite à une petite réflexion sur ce qui fait l’identité. Si l’on ne sait pas qui l’on est, alors comment définir son rôle, sa personnalité. Notre identité vient-elle de la façon dont on nous perçoit, sommes-nous façonner par les autres, etc.
Présenté de cette façon, on peut donner l’impression que l’on ne sait pas très bien où l’on va dans ce roman. C’est effectivement le cas et c’est cela qui est bien. On ne connaît pas par avance la destination du récit, le voyage est alors tout aussi surprenant pour le lecteur que pour le protagoniste. L’ouvrage est probablement un peu moins abordable que Les couleurs de l’acier, premier volume de la trilogie Loredan. Ceci étant, c’est un plaisir d’avoir entre les mains un ouvrage qui reste clairement de la fantasy mais qui apporte véritablement autre chose que la plupart des livres du genre.
Parker a toujours une approche aussi détaillée des choses que dans la trilogie Loredan, les plus de cinq cents pages du récit sont là pour en témoigner. Si elle apporte toujours autant de soin aux diverses bricoles moyenâgeuses qu’elle présente, elle fait preuve du même soucis du détail sur d’autres choses, comme par exemple les explications sur les mécanismes du commerce. Cette façon de faire me plait toujours autant que dans ses livres précédents.
Au niveau de l’emballage, on reste dans la lignée du travail réalisé pour la trilogie Loredan. La très belle couverture signée Didier Graffet joue encore dans les crayonnés qui font vraiment de ces livres de belles parures dans les bibliothèques.
Ombre (Shadow)
de K. J. Parker
traduit par Olivier Debernard
illustration de Didier Graffet
éditions Bragelonne
576 pages (grand format)
L’ouvrage est disponible par ici.