Au milieu de la tonne d’imaginaire d’origine anglophone et quelques bricoles francophones que je lis, il m’arrive de caser un bouquin venu d’ailleurs. Cet été, le label Eclipse des éditions Panini a ainsi attiré ma curiosité en publiant Harmonie, de Project Itoh. Le mélange de ce pseudonyme curieux avec son titre et l’aspect général de l’ouvrage m’ont convaincu de donner sa chance à cet ouvrage.
Harmonie est un livre écrit à la première personne par une dénommée Tuan Kirie vivant vers la fin du XXIe siècle. On y découvre un futur dans lequel la médecine et la bien-pensance ont pris le pouvoir par le biais des admédistrations, sortes d’organisations supra-gouvernementales contrôlant la santé, la nutrition, etc. Un futur dans lequel il est mal de laisser libre court à ses émotions, dans lequel la politesse est toujours de rigueur. Un monde aseptisé, sous contrôle, une sorte de dictature de la bonne santé en marge de laquelle vit Tuan.
La première chose qui m’a étonné dans Harmonie est bien évidemment la forme. <description> Le texte, y compris sur la couverture, est régulièrement émaillé de balises évoquant un langage informatique </description>. Au-delà d’un effet de style un peu surprenant, mais pas désagréable à mes yeux, il s’agit d’un élément qui contribue aussi au fond de l’oeuvre.
Le style en lui-même est assez froid, participant à renforcer l’ambiance du roman et convenant donc tout à fait à ce futur effrayant par certains côtés. Le texte est traduit en français depuis sa version anglais et non directement du japonais, ce qui m’aurait habituellement assez agacé, mais je pense qu’au final le style particulier de l’ouvrage ne doit pas en pâtir. On sent d’ailleurs bien l’espèce de raideur que l’on trouve assez souvent dans les récits japonais. Je trouve aussi que ce récit à la première personne à un petit quelque chose de Palhaniuk, notamment dans la façon de décrire ce monde dans lequel la narratrice n’a pas vraiment sa place.
J’avoue que je ne savais pas trop à quoi m’attendre en commençant la lecture d’Harmonie. L’idée de départ est intéressante et le développement qu’en fait l’auteur est surprenant. Bien que le style soit froid, ce qui colle parfaitement au récit, le texte se lit rapidement avec fluidité. Et je dois reconnaître qu’une fois tournée la dernière page, j’ai la sensation d’avoir lu l’un des meilleurs (le meilleur ?) ouvrages de SF de l’année. Si le fait que Satoshi Itō, le vrai nom de Project Itoh, soit décédé à 34 ans après avoir terminé Harmonie a pu peser dans la balance, ses prix Seiun, Nihon SF Taisho et Prix spécial du jury des Philip K. Dick Awards est à mes yeux amplement mérité.
Harmonie (Harmony)
de Project Itoh
traduit par Christophe Cuq
illustration de kras99
éditions Eclipse
323 pages (format moyen)
Intriguant, ce style avec ces balises… Tu m’as donné envie de lire ce roman, merci pour l’article !