La publication de textes directement en numérique permet de remettre au goût du jour les feuilletons, comme j’ai pu en parler avec Jésus contre Hitler ou bien le Rêve Oméga. Mais c’est aussi l’occasion d’essayer de placer plus facilement des récits de type novella. Appelé aussi chez nous ‘court roman’, ce sont les textes dont la longueur les placent quelque part entre la nouvelle et le roman. Si cette longueur est assez exploitée dans le monde anglophone, l’édition français y est beaucoup plus réfractaire, quoi que les romans d’Amélie Nothomb ont souvent des volumes de texte équivalent à une novella plutôt qu’un véritable roman (la plupart des prix anglophones placent la limite supérieure d’une novella à quarante mille mots). Bref, j’ai récemment lu la novella Ch3val de Troi3, d’Eric Nieudan.
Quelque part dans un futur plus ou moins proche, Worg travaille dans l’informatique pour une entreprise quelconque. Connecté en permanence, habitant dans un camp de réfugiés en Irlande et possédant un passé qu’il a plus ou moins enterré, Worg commence à s’inquiéter à propos d’une disparition, doublée de problème d’émission sur le réseau. Son monde est sur le point de basculer.
L’une des raisons qui m’a fait m’intéresser à ce texte est le côté cyberpunk que la présentation laissait entrevoir. Et sur ce plan, je dois avouer que je suis servi. Nieudan met bien en scène les discussions sur le net, avec leur jargon, les comptes multiples, etc. On y trouve aussi ce qui fait vraiment l’essence du cyberpunk, à savoir ce côté « grandes corporations détenant plus de pouvoir que les états », et l’on sent bien que la loi du profil a fini par écraser à peu près toutes les autres. L’univers dépeint dans Ch3val de Troi3 est un bon reflet des inquiétudes que ce genre explore depuis une trentaine d’années et dont l’actualité se fait de plus en plus l’écho. Et c’est ce qui rend l’idée de fond de la novella totalement crédible.
Le récit est suffisamment rythmé pour se lire rapidement, et le format novella permet de se concentrer sur les quelques idées mises en avant plutôt que de se perdre dans des sous-intrigues sans intérêt. La fin peut laisser un peu sur sa faim, tant on apprécierait de voir comment les choses vont évoluer par la suite. Mais c’est peut-être le propre des bonnes novella de placer le lecteur sur les rails de l’imagination et de lui imprimer une bonne poussée avant de le laisser librement évoluer. En tout cas, je reprendrais volontiers un verre du même cru.
Ch3val de Troi3
d’Eric Nieudan
collection Snark
éditions Bragelonne
118 pages
disponible en numérique chez 7switch