Certains d’entre vous ont peut-être entendu parler dernièrement de l’arrivée de Netflix en France, entreprise de diffusion de films et de séries par Internet, dont l’un des fers de lance sur le continent nord-américain est la série House of Cards. Il se trouve que cette série est adaptée d’un roman britannique, qui connu d’ailleurs deux suites et une adaptation télévisuelle locale, mais qui n’avait apparemment jamais été traduit en français. Depuis le mois dernier, le roman de Michael Dobbs est disponible dans la langue de Molière aux éditions Bragelonne.
Francis Urquhart est le Chief Whip du parti conservateur, c’est à lui qu’incombe la tâche de faire régner la discipline de vote parmi les parlementaires de son parti, ainsi que de faire le ménage pour étouffer les possibles scandales pouvant les toucher ainsi que les ministres. Et après de nombreuses années de bons et loyaux services, il s’attend à être enfin récompensé par un poste au gouvernement après la dernière victoire en date aux élections. Malheureusement, il va vite devoir déchanter, victime des arrangements pris par ses collègues. Urquhart décide donc qu’il est temps de prendre les choses en main et de commencer par faire tomber le premier ministre de son propre parti.
House of Cards est un livre qui se lit rapidement. Les chapitres sont de longueur moyenne et s’enchaînent rapidement, le style étant fluide. L’univers de la politique britannique est bien expliqué, et le lecteur français pourra y repérer certaines différences avec le notre. Michael Dobbs ayant eu une carrière politique au sein du parti conservateur, il fut notamment conseiller de Margaret Thatcher, on peut supposer que sa description en forme de marigot où traînent les crocodiles n’est pas très éloignée de la réalité. Cette expérience de l’auteur rend d’ailleurs la lecture de House of Cards particulièrement savoureuse. Ce côté visite guidée du système politique n’est pas sans rappeler l’excellent série télé À la Maison Blanche.
Francis Urquhart fait inévitablement penser à Iago, le traître par excellence de Shakespeare, et il gagne très bien sa place dans la galerie des grands pourris à côté du « meilleur ami » d’Othello et de gens comme Littlefinger. Seul importe son but et tout doit se plier à son objectif, les considérations morales ne devant pas influer. Ses collègues souffrent évidemment de la comparaison, semblant un peu fades ou incompétents. Pourtant, dans la réalité les cimetières sont remplis d’hommes politiques qui se sont crus doués et nombre de candidats qui semblaient imbattables ont perdu des scrutins. En fait, House of Cards n’est jamais qu’un ouvrage de fiction comme un autre, autrement dit les choses s’y déroulent forcément de façon un peu plus utiles que dans la réalité, sinon il n’y aurait pas matière à écrire l’ouvrage.
Si l’intrigue a un côté légèrement daté parce qu’écrit à la fin des années mille neuf cent quatre-vingt, une époque sans téléphone portable ni email, je trouve que le récit en lui-même passe encore très bien aujourd’hui. On pourrait aisément l’imaginer chez nous et certains événements de l’ouvrage ne sont pas sans rappeler des situations déjà vécu dans notre pays. Le récit suit divers points de vue, mais chaque chapitre commence par quelques lignes écrites par le personnage d’Urquhart qui nous livre ses impressions sur la politique, le respect, la peur, les amis, la trahison, etc. Ses passages offrent quelques belles petites pépites de « sagesse » politique.
J’ai vraiment passé un bon moment avec House of Cards, au point de vouloir regarder ses adaptations télévisuelles, avec respectivement Ian Richardson et Kevin Spacey dans le rôle principal. La lecture fut rapide, je ne pouvais résister à l’envie de voir quelle fourberie supplémentaire préparait Urquhart tout en m’interrogeant sur ses chances de parvenir à ses fins. Et s’il prend à l’éditeur français de traduire les deux suites que Dobbs a écrit, je les lirai avec beaucoup de plaisir.
House of Cards (House of Cards)
de Michael Dobbs
traduit par Frédéric Le Berre
éditions Bragelonne
408 pages (grand format)
Disponible en numérique chez 7switch
Je pense que si ce livre rencontre le succès, il n’y a pas de raison pour que Bragelonne ne publie pas la suite. Ton article donne envie de le découvrir en tout cas, en plus je ne connais pas la série.
Oui, si le bouquin a du succès, je ne me fais pas de soucis pour la parution de la suite. La série américaine a le même point de départ, mais ensuite les choses évoluent un peu différemment (système politique différent et époque différente), ceci dit j’ai beaucoup de plaisir à regarder. Je pense que la version britannique doit être plus proche du roman.
Arrivé ici par la magie du surf virtuel, je saisis l’occaze pour apporter mon petit éclairage (et te féliciter, Herbie, pour la qualité des lieux). Or donc, la suite (le tome 2) est actuellement à la trad et, sans préjuger trop des plannings internes, je dirais qu’on peut tabler sur une sortie aux alentours de début 2015.
Pour les adaptations télévisées US et britanniques, que je me suis enfilées avec grand plaisir mais à des fins strictement professionnelles of course (la vie est dure), elles ont chacune des qualités, mais pas les mêmes. La British est plus proche du roman originale (tournée quasiment à la même époque), et partant un peu datée. Les stratagèmes n’ont sans doute pas le parfum de sophistication qu’on trouve dans le Washington DC d’Underwood. Mais du coup, le brio du jeu d’acteur n’en ressort que plus. Je pense bien évidemment à Ian RIchardson, absolument grandiose, mais aussi à son acolyte Colin Jeavons somptueux dans la veulerie, et Kenny Ireland, monumental à tous points de vue dans le rôle de Ben Landless.
Pour la version US, le tandem Underwood mari et femme est impeccable et vénéneux à souhait.
Pour tout dire, j’attends maintenant avec impatience une adaptation française. En cherchant bien, je suis sûr qu’on trouverait suffisamment de matière… 😉
On m’avait soufflé dans l’oreillette qu’il n’y avait pas trop de soucis à se faire pour la sortie du tome 2 en français, merci de l’avoir confirmé. 🙂
J’ai jeté un bref coup d’oeil (2-3 minutes) à la version britannique et Richardson a effectivement l’air parfait pour le rôle. Je m’y replongerai un peu plus par la suite. Par contre, j’ai depuis commencé à dévorer la version américaine et le couple Underwood est comme tu le dis si bien : vénéneux à souhait. 😀
Il parait que Netflix avait le projet de faire une version française avec la mairie de Marseille. Je ne sais pas si c’est un vrai projet, mais faut avoir qu’il y a matière à un bon panier de crabes.
Je me dis que ça ne doit pas être le livre le plus désagréable que tu ais eu à traduire. 😉