Comme vous le savez peut-être, le XXe siècle n’a pas commencé en l’an 2000, mais l’année suivante. Et pour célébrer ce changement de siècle, et surtout de millénaire, Robert Silverberg et Jacques Chambon ont eu l’idée de diriger une anthologie tournant autour du passage au millénaire suivant, en 3001. L’un des attraits de cette anthologie est d’être multilingue, proposant ainsi des textes d’auteurs anglophones et francophones, mais aussi quelques autres auteurs européens.
Le sommaire de cette anthologie comporte quelques grands noms à côté d’auteurs moins connus à l’époque et même de quelques-uns qui ne devaient pas être loin de voir là leur premier texte traduit en français. Comme assez souvent dans les anthos, il y a un peu de tout, du mauvais au pas trop mal en passant par le sans-intérêt. Et je n’ai pas l’impression d’avoir trouvé la moindre véritable pépite, ce qui est quand même dommage sur une vingtaine de textes.
Amateur de la série Nicolas Eymerich, j’espérais quelque chose d’intéressant de la part d’Evangelisti. La bouillie sans intérêt servie par l’auteur a bien douché mon enthousiasme, surtout qu’il s’agît du deuxième texte. Plusieurs textes ne sont pas mauvais en soi, mais n’ont rien d’intéressant ni d’entraînant, les reléguant ainsi au rang d’anecdotes (Haber, Silverberg, Houssin, Wagner). D’autres partaient avec de bons éléments mais la formule ne prend pas (Kress, Denis, Spinrad). Dunyach livre un texte dont l’idée finale est intéressante, mais donc le cheminement n’est pas à la hauteur de ses capacités (vu son talent sur la forme courte, je suis forcément plus exigeant). Card part sur une idée qui rappelle un peu la récente série de Pratchett & Baxter, la Longue Terre, mais ne parvient pas à l’exploiter correctement.
Le gros défaut d’une partie des textes est de prendre le thème au pied de la lettre et nous raconter le passage à l’an 3001, avec un résumé glissé plus ou moins maladroitement des événements du millénaire passé. Deux auteurs, Priest et McAuley, ont décidé de contourner carrément le problème et trichent sans vergogne, offrant ainsi des textes plus agréables à lire, celui de McAuley étant parsemé de quelques touches d’humour assez bienvenues dans une antho plutôt austère dans l’ensemble.
Au rang des distinctions, je citerais aussi Ayerdhal dont le texte à tendance écolo s’en sort assez bien. L’italien Ricciardello propose une confrontation virtuel/réalité intéressante. La nouvelle de Curval n’est pas exempte de quelques gros défauts, mais parvient à livrer une fin qui sauve l’ensemble. Haldeman, Lehman et Eschbach livrent eux aussi des textes avec quelques défauts, mais intéressants à divers degrés.
Deux texte seulement se distinguent vraiment en fin de compte, pour moi. Le premier est celui de Dan Simmons, Le 9 av, une nouvelle à laquelle il manque un petit quelque chose à la fin et qui semble être une sorte de brouillon de son diptyque Ilium/Olympos. Et enfin, Onde de choc de Gregory Benford qui a su me faire plaisir avec une affaire d’IA qui touche au space opera de façon plaisante. C’est peut-être le seul texte que j’aurais vraiment envie de garder sur toute cette antho, ce qui fait bien léger sur une vingtaine de texte et près de six cents pages. Bref, je n’ai pas été très emballé par cette anthologie dont le sommaire laissait vraiment présager de bonnes choses. La quasi-totalité de ces textes va tomber dans l’oubli de ma mémoire et ça ne sera pas une grande perte.
Destination 3001
anthologie dirigée par Robert Silverberg & Jacques Chambon
éditions J’ai Lu
596 pages (poche)