Si le paysage de l’imaginaire francophone ne compte pas autant de grandes sagas ambitieuses en quinze volumes, plus les annexes, que le monde anglophone, on voit quand même de temps en temps un éditeur se lancer dans un projet un peu plus ambitieux que la moyenne. Cela a été le cas par exemple des éditions L’Atalante en 2013 avec Le sang des sept rois de Régis Goddyn. Et cette année, ce sont les éditions Le Bélial qui proposent leur gros projet avec une tétralogie intitulée Origines. Due à la plume d’un auteur inconnu dans l’imaginaire, Stéphane Przybylski, cette série commence par Le château des millions d’années, dont la couverture et la présentation me donnaient suffisamment envie pour que le livre ne prenne pas la poussière pendant quelques années avant que je ne le lise.
Friedrich Saxhäuser est un officier SS travaillant pour le SD, les services de renseignements sous la botte d’Heinrich Himmler. Et en cette année 1939, son supérieur lui confie pour mission d’accompagner une expédition archéologique en Irak. A charge pour lui de prendre contact avec certains activistes arabes qui souhaitent expulser la présence britannique du moyen-orient. Mais l’expédition à laquelle il se joint est conduite par un représentant de l’Ahnenerbe, sorte d’institut scientifique de la SS, et les découvertes que ce dernier espère faire pourraient changer l’histoire et notre connaissance du passé.
Si je devais résumer rapidement l’ambiance, je présenterai ce roman comme un croisement d’Indiana Jones et de X-Files. Mais Le château des millions d’années ne se résume pas à des aventures archéologiques mâtinées de petits hommes verts ou gris. C’est aussi un voyage à travers l’histoire et la plongée dans la psyché d’un homme, Friedrich Saxhaüser, qui a décidé de lier son destin à celui d’une puissance terrifiante.
Le récit démarre rapidement et le lecteur sait très tôt qu’il existe quelque chose qui nous observe et dont la nature nous échappe. Le livre est bien rythmé et on traverse toute l’histoire avec plaisir, se laissant porter par une ambiance qui tire parfois du côté du pulp. Ce premier volume ne permet pas de trancher la question de l’appartenance de la série à l’histoire secrète ou à l’uchronie. Pour l’instant, rien ne me permet de dire que l’on est sorti du cadre de la première, bien que j’ai tenté de scruter le moindre petit indice. C’est que Przybylski travaille à l’origine dans le domaine historique et l’on sent qu’il a bien pesé chaque ingrédient de sa recette pour s’assurer de ne pas déborder du cadre réel.
L’aspect historique est tout sauf négligeable dans ce récit, non seulement par le soin de l’auteur accordé aux détails, mais aussi par l’usage qu’il en fait dans les passages sur le passé de Saxhaüser. On voit en effet comment le protagoniste central du récit est arrivé à sa position actuelle et ces séquences sont l’occasion pour l’auteur de donner quelques petites leçons d’histoire. Et la partie « présent » du récit se passe pendant les mois et semaines qui précèdent le déclenchement de la deuxième guerre mondiale que l’on sent bien poindre à l’horizon.
Enfin, ce volume n’est que le premier d’une tétralogie (référence à Wagner?), Przybylski sème manifestement quelques poignets de cailloux pour les volumes suivants. En particulier quelques courts passages dans les années 1950 qui me laissent songeur sur l’ampleur que le récit pourrait prendre par la suite.
Le château des millions d’années est donc un bon premier volume. Il met en place l’univers tout en offrant une intrigue avec un semblant de conclusion (que l’on sent très provisoire). Il reste suffisamment d’éléments en suspens, sans parler des petits cailloux semés ici et là, pour m’inciter à lire la suite dès sa sortie. L’ambiance évoque tour à tour Indiana Jones et X-Files, tout en proposant de petites leçons d’histoire au lecteur. Et ça m’a permis d’oublier pendant un moment qu’il existe un film appelé Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal. Tout ça emballé sous une belle couverture d’Aurélien Police. Si les trois autres volumes à suivre sont du même tonneau, je tiens la une série qui s’installera assez bien parmi mes lectures préférées.
Le château des millions d’années
de Stéphane Przybylski
illustration d’Aurélien Police
édition Le Bélial
356 pages (grand format)
Il n’y a pas de quatrième Indiana Jones, la seule suite valable c’est le jeu vidéo sur l’Atlantide voyons 😀
Sinon bien d’accord avec toi, c’est un excellent premier tome et j’espère que la suite sera tout aussi sympathique à lire.
Ah oui, The Fate of Atlantis est le véritable quatrième Indiana Jones. Je suis bien d’accord. 🙂
Je ne veux même pas penser au fait qu’on nous en prépare un cinquième…