Il y a une douzaine d’années paraissait un bouquin intitulé Carbone modifié. Dû à la plume du britannique Richard Morgan, ce livre ouvrait la trilogie de cyberpunk Takeshi Kovacs, série qui m’avait bien plu à l’époque. Ayant décidé dernièrement de relire quelques ouvrages qui m’avait laissé une bonne impression la première fois, je suis donc revenu dans ce monde sombre et violent. Après tout ce temps, le charme opère-t-il encore ?
Nous sommes dans un futur où la conscience d’un être humain peut être sauvegardée dans une pile corticale, permettant ainsi de la préserver et de la remettre dans une nouvelle enveloppe en cas de décès. C’est dans ce monde que Takeshi Kovacs, un ancien des corps diplomatiques (sorte de super commando) qui a fini un peu en marge du système, se voit proposer par un nabab d’éclaircir le mystère entourant sa mort, que la police considère comme un suicide. Sans surprise, tout ça va se révéler un peu plus compliqué que prévu.
L’univers de Carbone modifié relève du cyberpunk sans doute possible. Humains augmentés, intelligences artificielles, réalité virtuelle, système oppressant où l’argent est roi, etc. tout ou presque y est. La trouvaille intéressante est celle de la pile corticale, avec les possibles conséquences d’un tel système : ceux qui ont les moyens peuvent changer d’enveloppe, les pauvres peuvent louer leur corps à d’autres pour subsister, et certaines convictions religieuses peuvent pousser à refuser le réenveloppement. Et se pose la question de l’identité. Jusqu’à quel point est-on son âme ? Et comment les habitudes de l’ancien occupant d’une enveloppe peuvent-elles influer sur le locataire suivant ? Richard Morgan utilise assez bien le sujet et on sent qu’il se fait plaisir à décrire son univers, attrayant par certains côtés mais terriblement inquiétant par bien d’autres aspects.
Le récit étant à la première personne, suivant une tradition du récit de détective privé, on plonge pleinement dans la tête de Takeshi Kovacs. Et sans être aussi effrayant que le Jorg de Mark Lawrence, il faut quand même avouer que le narrateur de Carbone modifié est un psychopathe. On sent bien sa dépendance à la violence et le besoin régulier de tabasser son interlocuteur, sans parler de la nécessité pour lui de l’emporter quel qu’en soit le prix. Morgan rend assez crédibles les origines du personnage, même si l’on verse un peu dans la caricature par moment. La nécessité des Corps Diplomatiques dans cet univers répond à une certaine cohérence et Kovacs n’est finalement que le produit forcément un peu défectueux d’un tel système. Et je dois le reconnaître : c’est un plaisir de le retrouver.
L’intrigue se rapproche un peu du roman noir, riche client exigeant, femme fatale, flic suspicieux, passage à tabac, etc. La plupart des ingrédients classiques sont là. Et Morgan parvient heureusement à construire une intrigue qui dépasse le simple problème du suicide apparent du client. Ayant déjà lu l’ouvrage, je pensais me souvenir de la résolution de l’intrigue. Ce fut donc une (bonne) surprise lorsque j’ai réalisé que la solution que j’avais en tête n’était que partielle et qu’il me restait des choses à redécouvrir. J’ai aussi pu repérer quelques petits cailloux que l’auteur a semé et qu’il exploitera dans les deux romans suivants.
Cette relecture de Carbone modifié a été très plaisante. Morgan reprend les principes du roman noir et parvient à en mélanger l’ambiance avec celle du cyberpunk. Et malgré son côté parfois effrayant, car il ne semble pas connaître de limite, Kovacs est un narrateur que l’on a plaisir à suivre. Les amateurs de cyberpunk y trouveront leur compte et ceux qui apprécient les enquêtes mâtinées d’action et de violence ne seront pas perdus dans cet univers. Les deux autres volumes de la série sont maintenant inscrits dans mon programme de relecture.
Carbone modifié (Altered carbon)
de Richard Morgan
traduit par Ange
illustration d’Alain Janolle/Christian McGrath
éditions Bragelonne/Milady
400 pages (grand format) 544 pages (poche)
Disponible en numérique chez 7switch
Un très bon souvenir pour moi.
Je le lirai un jour, j’aime bien cette atmosphère cyberpunk/thriller.
Alors ça devrait te plaire.
J’en ai lu quelques autres du même style, en français et en anglais, et pour l’instant je n’ai pas trouvé grand chose d’aussi bon. Par contre des trucs mauvais, il y en a. :p