Dans le cadre de leur collection exofiction, les éditions Actes Sud ont publié l’année dernière L’éveil du Léviathan, premier volume d’une série de space-opera co-écrit par Daniel Abraham et Ty Franck sous le pseudonyme commun de James S. A. Corey. En dépit de quelques défauts, ce premier volume constituait plutôt un bon divertissement. Un an après, l’épisode suivant, intitulé La guerre de Caliban, est arrivé sur les étals. Voyons voir comment les choses évoluent.
Après les événements très agités du premier opus, Holden et l’équipage du Rossinante sont retournés à une vie plus ou moins ordinaire au service de l’alliance des planètes extérieures. Mais le massacre sur Ganymède d’un contingent des Nations Unies et de la quasi-totalité d’un groupe de marines de Mars fait rapidement remonter la tension dans tout le système solaire. L’horreur du premier volume va-t-elle se répéter ? Et pendant ce temps, que se passe-t-il sur Vénus où la protomolécule s’est réfugiée ?
Si ce deuxième épisode présente pas mal de similitudes avec le premier, il y a quand même quelques changements. Si l’on perd le point de vue de Miller, on en gagne trois autres et chacun a son intérêt. Celui de la bureaucrate des Nations Unies est particulièrement intéressant puisqu’il nous offre un aperçu des événements qui agitent les cercles du pouvoir. Cette multiplication de personnages offrent ainsi un peu plus de variété dans le récit et proposent plus d’opportunités au lecteur d’arriver à accrocher un protagoniste en particulier.
Le problème, c’est que Holden est toujours là. Et surtout il est toujours aussi con que dans L’éveil du Léviathan. Prêt à suivre n’importe quelle idée sans jamais réfléchir aucunement aux conséquences, il est non seulement persuadé d’avoir toujours raison mais en plus il refuse catégoriquement d’assumer la responsabilité de ses actes du précédent épisode. Et sans l’intervention d’un autre personnage il déclencherait facilement une ou deux guerres de plus dans ce volume. Autant dire que j’ai le plus grand mal du monde à comprendre comment son équipage peut lui être d’une telle fidélité. Ce type a tout du reporter BFM : il veut clamer une nouvelle au système solaire entier sans avoir rien vérifier auparavant. Dans le genre irresponsable, on fait difficilement pire.
Du côté de l’univers développé par les auteurs, on creuse un peu quelques éléments, même si je trouve que ça manque un peu de profondeur par moment. Le côté grenier à blé de Ganymède est vaguement évoqué mais les conséquences de son effondrement ne sont pour ainsi dire envisagé par personne. C’est un petit peu dommage. Quand à ce qui se passe du côté de Vénus et de la protomolécule, il faudra visiblement attendre le volume suivant. La guerre de Caliban posant finalement juste quelques questions de plus sans apporter aucune réponse. L’ensemble de l’intrigue est un peu mieux conçu que dans le premier opus, même si on n’échappe pas à un passage explicatif dont je n’ai pas vraiment saisi les tenants et les aboutissants. Une fois encore, j’ai eu un peu l’impression que les auteurs essaient vainement d’expliquer pourquoi tel partie du récit doit se situer à tel endroit. C’est un peu dommage.
Bien qu’à peu près aussi épais que le précédent, ce roman se lit rapidement et on y retrouve un peu ce côté space opera à l’ancienne. Il est malheureux que quelques erreurs de traductions n’ai pas été corrigé à la relecture, surtout quand cela touche à des éléments techniques, produisant ainsi des incohérences dans le texte.
La guerre de Caliban est un livre qui se lit bien, en dépit de ses défauts. Un divertissement agréable mais aucunement un chef d’oeuvre du genre. Pour moi, la série gagnerait vraiment à se débarrasser du personnage de Jim Holden et à développer un peu plus l’univers. Malheureusement, il semble qu’il soit au centre des autres volumes de la série, et rien que ça risque de me conduire à en abandonner la lecture au bout d’un moment.
La guerre de Caliban (Caliban’s War)
de James S. A. Corey
traduit par Thierry Arson
éditions Actes Sud
620 pages (grand format)
Dans le tome 5, il apprend à ne pas tout dire dès qu’il le sait. Sois patient 😉
J’ai été déjà patient pendant deux volumes, c’est déjà pas mal. Je termine la première trilogie et si c’est du même niveau dans le volume 3, je m’occuperai de bouquins plus intéressants. :p
« Il est malheureux que quelques erreurs de traduction(S) n’aiENT pas été corrigéES à la relecture… »
(Je boutade, là)
Comme c’est moi qui ai traduit le bouquin – et le précédent -, j’aimerais beaucoup savoir où j’ai commis des erreurs : je suis toujours partant pour m’améliorer, et j’estime que se remettre en question est salutaire et profitable. Toutes tes remarques seront bienvenues.
Sinon et perso, j’adore traduire cette saga qui aborde par la bande des thèmes très intéressants et actuels, sans pour autant prendre le chou du lecteur. Je trouve que c’est du fun superbement bien tricoté (ne pas oublier qu’au départ, The Expanse était un projet de jeu vidéo…), et qu’avec le temps l’ensemble gagne en profondeur, mais par petites touches, à la marge, et ça, c’est plutôt malin.
Et puis, si Holden te file de l’urticaire, c’est peut-être parce que son personnage est crédible. Non ? ^^
Amicalement,
Thierry
PS : J’en profite pour remercier Gromovar de ses analyses. Grâce à lui j’ai découvert un tas d’aspects qui m’avaient échappés quand j’étais le nez sur la trad.
Deux erreurs dont je me souviens :
– Chapitre 31 : il est question dans la vf d’une communication qui prend trente minutes dans un sens et vingt minutes dans l’autre, alors que la vo utilise « twenty » dans les deux cas.
– Chapitre 40 : Prax profite d’une gravitation de cinq fois celle de la Terre dans la vf, alors que c’est « a fifth » en vo. Ça change pas mal le côté « confortable » de la situation. 🙂
En soit je ne jette pas la pierre au traducteur, quand on traduit on a souvent le nez dans le guidon. Mais j’attends d’un éditeur qui édite un bouquin de SF que la relecture soit attentive sur des points de ce style. Dans les deux cas, la simple lecture en français m’a fait sentir tout de suite qu’il y avait un problème (les ondes radio ne vont pas plus vite dans un sens que dans l’autre, cinq g de gravitation ce n’est pas confortable du tout). C’est le genre de problème que je pardonnerais plus facilement dans un livre d’un autre genre, mais dans les bouquins de sf j’attends un minimum de rigueur sur ce qui est « technique ».
Non, Holden ne me file pas de l’urticaire parce qu’il est authentique, mais juste par qu’il est stupide et agit comme un con. A tel point que je ne comprends même pas comment son équipage peut lui être aussi dévoué. La fidélité à un type qui déclenche des guerres parce qu’il raconte n’importe quoi sans réfléchir un peu avant, j’ai du mal à trouver ça crédible.
@Ethan Globalement d’accord avec toi en ce qui concerne la série.
Et merci encore pour ton satisfecit.
@Herbefol Pour Holden, nous vivons bien dans le pays ou Assange et Snowden sont des stars, non ? Je le trouve crédible dans son rôle de whistle blower, et pourtant, crois-moi, les deux susnommés ne me sont guère sympathiques.
Aha, belle plaisanterie.
Non, sérieusement y a pas grand chose de commun entre Assange/Snowden et Holden. Ce dernier est une andouille qui veut diffuser la nouvelle le premier, qui ne vérifie rien et donc diffuse des conneries. Après, si le genre reporter BFM te fait kiffer, tant mieux pour toi.
Mais qu’est-ce que tu as contre BFM ? C’est vachement bien, BFM. Moi, je regarde souvent, et je ne suis jamais déçu (Bon, d’un autre côté, je ne regarde que le bulletin météo, hein,).
Le tome 3 (La Porte d’Abaddon) sort dans une semaine. Manifestement et comme l’a dit Gromovar, les auteurs ont tablé sur le format 9 volumes, ils se donnent le temps et en gros les trois premiers volumes exposent la situation. Un peu de patience ne nuit pas au plaisir final, donc, comme dirait ma copine…
C’est peut-être leur plan. Mais personnellement, trois volumes pour faire de l’exposition c’est deux et demi de trop. D’ailleurs, si j’envisageais encore l’année dernière de lire ce troisième volume pour donner une dernière chance à cette série, j’ai depuis changé d’avis. J’ai trop de choses nettement plus enthousiasmantes à lire. J’ai donné deux chances à cette série de me proposer quelque chose qui m’emballe réellement, c’est raté, fin de l’affaire.