Si je n’ai encore jamais chroniqué de livres de Peter F. Hamilton ici, j’en ai pourtant lu la plupart. La remise du GPI à son dernier titre traduit en français, La grande route du nord, est une bonne occasion pour que je lise l’ouvrage et que j’en dise quelques mots. D’autant plus que ce roman a l’avantage, assez rare dans sa biographie, de pouvoir se lire indépendamment des autres.
Nous sommes en 2143, à Newcastle-upon-Tyne. L’humanité a ouvert des portails permettant de coloniser de nombreux mondes et l’un d’eux est à Newcastle. Et pas n’importe lequel : St Libra, la planète de l’autre côté du portail, est devenu le principal fournisseur d’agrocarburant de l’Europe. Et c’est là qu’un meurtre un peu particulier va rapidement pourrir la vie de l’inspecteur Hurst. Un meurtre qui va avoir des répercussion sur St Libra et sur une affaire vieille de vingt ans.
La grande route du nord commence un peu différemment de la plupart des livres d’Hamilton. La découverte d’un “simple” corps sur une Terre certes futuriste mais sans trop de référence aux autres mondes font se demander pendant quelques pages si l’auteur n’aurait pas perdu le goût du space opera. On verra assez rapidement quand même qu’il n’en est rien, même si une moitié à peu près de l’intrigue se passera sur Terre et l’autre sur St Libra. Et donc, pas de bataille spatiale cette fois. Ceci ne veut pas dire absence d’action pour autant, Hamilton restant un spécialiste des combats à coup d’armes technologiques improbables.
Comme cela arrive assez régulièrement chez l’auteur, l’intrigue que l’on suit va remettre en cause quelques unes des certitudes sur lesquelles repose la société humaine qu’il décrit. Il est aussi toujours prolixe au niveau des détails de son univers, n’hésitant pas à détailler les innovations technologiques qui concernent les vêtements, les moyens de transports, etc. Et comme il s’agit ici entre autres de résoudre un crime, on a un aperçu des moyens de la police du futur. Et ces moyens peuvent être très impressionnants… quand on est capable de régler la facture. Car dans ce futur, il vaut mieux avoir une assurance qui couvre les frais d’enquête si on se fait cambrioler, sinon la police ne perd pas son temps avec ça. Et c’est là une autre habitude d’Hamilton, la description d’un futur où le libéralisme a démonté un certain nombre de services publics. Un futur qui ne fait pas trop rêver sur certains aspects. On appréciera aussi la débauche de sources d’information dont la police peut profiter dans son enquête, du genre à faire rêver un dictateur orwellien. Du moins quand ces moyens technologiques fonctionnent. Car il y a toujours des zones d’ombres, même dans le meilleur des mondes.
L’enquête va osciller longtemps entre deux explications possibles, l’une finalement assez banale et l’autre de nature à changer beaucoup de choses pour l’espèce humaine tout entière. Hamilton joue assez bien avec la bascule entre les deux pistes et j’ai par moment bien hésité devant la voie à suivre. Il sait aussi user de quelques recettes classiques dans les enquêtes comme celle du “se pose-t-on les bonnes questions ?”. La grande route du nord est aussi un roman d’exploration, où l’on découvre le monde de St Libra, d’abord les zones déjà colonisées par l’humanité, puis c’est la plongée dans l’inconnu des terres inexplorées. Et là aussi Hamilton sait bien conter les pérégrinations de cette expédition.
En parallèle des deux intrigues principales, on assiste aussi à quelques retours dans le passé qui permettent d’en apprendre plus sur le mystère auquel le meurtre fait écho, ainsi que sur l’histoire et les motivations d’Angela, l’un des personnages clés de l’histoire. J’ai été un peu dubitatif à un moment sur sa capacité à tenir dans ses certitudes, mais une fois toute son histoire dévoilée, je comprends mieux les choses et je trouve qu’Hamilton a su bien jouer avec ce personnage, notamment sur l’ordre dans lequel il nous livre les brides de son passé.
Avec La grande route du nord, Peter F. Hamilton nous offre un roman qui peut se lire seul. Ma lecture fut rapide, comme souvent avec lui, malgré l’épaisseur considérable du pavé, plus de mille pages en grand format. Les fans de l’auteur pourraient être légèrement déçus par la quasi absence d’action dans l’espace, mais Hamilton compense plutôt bien par toute la phase exploration planétaire. Et la partie intrigue policière est assez bien fichue pour laisser le lecteur douter un moment avant d’entrevoir la solution. Si ce n’est pas son livre le plus caractéristique de son oeuvre, ça reste quand même une bonne porte d’entrée pour le néophyte. Par contre, son prochain ouvrage à venir chez nous fait partie d’une nouvelle série, toujours dans l’univers du Commonwealth.
La grande route du nord (The Great North Road)
de Peter F. Hamilton
traduit par Nenad Savic
illustration de Fred Augis
éditions Bragelonne / Milady
528 et 528 pages (grand format) 672 et 720 pages (poche)
Disponible en numérique chez 7switch
ça me dit bien dis donc.