Je lis principalement des ouvrages traduits de l’anglais, quand je ne les lis pas directement dans la langue de Shakespeare. Le reste est essentiellement constitué de livres écrits en français. Mais de temps en temps, je m’aventure dans la lecture d’un bouquin venant d’une autre culture. Le monde germanophone n’est certes pas hautement exotique, mais en dehors d’Andreas Eschbach, je n’ai pas tellement eu l’occasion de me frôter à des ouvrages de SF venant d’outre-Rhin. Le roman de Timur Vermes, Il est de retour, offrant un postulat intéressant, c’était l’occasion de s’y intéresser un peu.
Après avoir disparu dans son bunker à la fin du mois d’avril 1945, Adolf Hitler refait surface dans le Berlin des années 2010. Le dictateur va devoir s’adapter à ce monde qui a finalement assez peu à voir avec celui qu’il a connu, se trouver un moyen de subsister et faire face à l’incrédulité de ses interlocuteurs, personne n’étant capable de concevoir qu’il puisse réellement être celui qu’il prétend.
L’idée de mettre en scène Hitler dans notre époque est doublée d’un récit à la première personne qui permet de plonger directement dans les pensées du personnage. Ce parti pris était osé et pouvait être particulièrement casse gueule. Et Vermes s’en sort étonnamment bien, d’autant plus qu’il met quelques touches d’humour dans son récit. Hitler étant un personnage qui semble peu gouter l’humour, celui-ci se fait généralement en marge du narrateur et n’est donc perçu que par le lecteur.
Vermes ne traite pas tous les aspects qu’un tel point de départ pouvait poser, notamment sur les questions d’ordre juridique. Peut-on juger Hitler et le condamner, etc. Ce domaine n’est que vaguement évoqué avec la question des droits d’auteur (ceux de Mein Kampf sont détenus par le Land de Bavière jusqu’à la fin 2015, ils tomberont ensuite dans le domaine public). Mais dans la mesure où finalement personne ne croit à la réalité du personnage, ces questions n’ont pas vraiment matière à être abordées. En effet, qui dans la réalité pourrait croire qu’un personnage historique revienne après plus de soixante-dix ans d’absence sans avoir vieilli d’un jour ? Hitler est donc vu comme un artiste tentant de percer en incarnant un personnage polémique.
L’un des aspects intéressants de Il est de retour est de voir comment le protagoniste s’adapte à un monde avec des magasins franchisés, un Berlin où vivent de nombreux immigrés turcs, des médias omniprésents, un réseau internet permettant de répondre à n’importe quelle question, etc. Et voir la façon dont Hitler va essayer de créer une nouvelle carrière, en s’appuyant sur des médias qui croient profiter de lui et en identifiant un sujet qui va lui permettre de créer une rupture sur l’échiquier politique allemand.
Il est de retour est une satyre, elle emprunte donc quelques idées à l’imaginaire (ici le voyage dans le temps d’une figure historique) pour finalement s’attaquer à notre monde. Ici, les cibles principales sont les médias et la politique. Et Vermes tapent volontiers sur ces deux domaines, sans trop d’hésitation. En ayant fait le choix de centrer son livre sur un personnage aussi polémique, l’auteur se coupe évidemment de certains lecteurs potentiels. Mais pour ceux qui arrivent à passer outre le dégoût que peut inspirer la figure d’Hitler, Vermes offre une satyre assez plaisante à lire et que je recommande à ceux que la curiosité titille. Enfin, notons l’efficacité de la couverture, qui illustre très bien de qui parle l’ouvrage sans pour autant le montrer réellement, tout est dans la suggestion.
Il est de retour (Er ist wieder da)
de Timur Vermes
traduit par Pierre Deshusses
illustration de Johannes Wiebel
éditions Belfond / 10/18
406 pages (grand format)