Depuis quelques temps je me suis lancé dans une relecture de quelques livres dont le souvenir est positif et dont je n’ai jamais réalisé ici de chronique. Dans ce cadre, j’ai dernièrement décidé de commencer la relecture de La Compagnie noire, série emblématique de Glen Cook qui a eu une influence assez importante sur le genre. C’est notamment l’une des sources d’inspiration majeures pour le grand cycle de Steven Erikson. J’ai donc relu La Compagnie noire, premier volume de la série du même nom.
La Compagnie noire est la dernière des compagnies franches de Khatovar et Toubib est son analyste, chargé de consigner la vie de la compagnie et de conserver les annales de ses prédécesseurs. Et lorsque la Compagnie se voit offrir de rompre son engagement présent dans une ville où rien ne lui réussit pour aller servir un vaste empire en guerre, son capitaine ne semble pas hésiter beaucoup avant de mettre la troupe de mercenaires au service de la Dame.
La Compagnie noire n’est pas un livre très épais, moins de quatre cents pages même au format poche, surtout au regard des pavés que l’on peut trouver en fantasy. Mais c’est un roman assez dense. En effet, le narrateur n’hésite pas à faire usage de l’ellipse lorsque rien de particulièrement intéressant ne s’est produit. On faut ainsi un saut de deux mois et mille cinq cents kilomètres en l’espace d’une page. Cette façon d’opérer correspond assez bien à l’idée du texte, à savoir retranscrire les événements importants de l’histoire de la Compagnie noire. Et ça a pour avantage d’éviter de se perdre pendant des dizaines de pages sur des sous-intrigues sans grand intérêt.
Le style correspond aussi à son auteur. Ici, Toubib, médecin de la Compagnie noire qui se veut d’un certain pragmatisme mais ne peut s’empêcher de laisser son imagination voler par moment, notamment concernant la Dame. On voit aussi transparaître à plusieurs occasions son attachement à l’histoire de la compagnie et à l’importance de ses traditions et de son image. De l’honneur qui s’y attache. On verra plus tard, lorsque les narrateurs changeront au fils des neuf autres épisodes de la série, comment le récit évoluera avec.
Au-delà de Toubib, Cook nous propose toute une galerie de personnages qui prennent facilement vie dans l’esprit du lecteur. Dans cet univers, tous ou presque semblent avoir un nom qu’ils ont choisit plutôt que celui avec lequel ils sont nés et souvent des noms qui permettent de bien définir le personnage : Gobelin, Corbeau, Qu’un Œil, Silence, etc. Les caractères des protagonistes sont bien trempés et on les identifie très facilement. Les Asservis, véritables âmes damnées de la Dame forment à eux seuls une collection de croquemitaines dont les seuls noms inquiètent : le Hurleur, Tempête, Craque-les-Os, le Boiteux…
On pourrait essaie de résumer la Compagnie noire comme étant le récit d’une bande de mercenaire se mettant au service du mal absolu. Mais ce serait simplifier un livre et un univers relativement complexe. Si les rebelles auxquels fait face la Compagnie se qualifient comme les représentants du bien contre l’incarnation du mal qu’est la Dame, on s’apercevra assez rapidement que l’on est dans un univers surtout constitué de teintes de gris. Et si la Dame exerce un pouvoir brutal et aux accents sombres, notamment par sa magie, on constatera que tout ne semble pas très clair non plus du côté des rebelles. Et si l’on veut vraiment ranger les choses en blanc et noir, la magie se classe clairement dans la deuxième catégorie. Chaque manifestation de cet art a toujours un côté inquiétant, même lorsqu’il s’agit des chicaneries entre les sorciers de la compagnie.
Le découpage en chapitres assez long donne parfois au récit un côté succession de nouvelles. Si l’idée d’une série de fantasy militaire laisse penser que l’on assistera à moult combats et batailles on risque d’être un peu déçu. L’action n’est pas absente du récit, et Toubib y aura sa part, mais le livre est finalement une assez bonne représentation de la vie d’un soldat en guerre : surtout composée d’attente. De plus, on sent assez bien que le conflit ne se déroule pas seulement sur les champs de bataille entre rebelles et fidèles de l’empire, mais aussi dans les coulisses, notamment entre les asservis eux-mêmes.
Si le sujet des armées et de la guerre a déjà été traité plusieurs fois dans le domaine de la fantasy, la Compagnie noire avait néanmoins un aspect novateur en son temps. En effet, ce premier volume date de 1984, la même année que Légende de David Gemmell. Une époque qui ne connaissait pas encore Tad Williams, Robert Jordan et George R. R. Martin et où les Joe Abercrombie et autres Brandon Sanderson n’étaient pas près d’arriver. A ce titre, l’ouvrage présente un certain intérêt pour le côté historique du genre. Mais c’est surtout un livre que j’ai eu beaucoup de plaisir à relire. Retrouver tous ces personnages dont je me souvenais relativement bien et cet univers dans lequel il n’y a ni bien, ni mal. Je poursuivrai donc cette relecture.
La Compagnie noire (The Black Company)
de Glen Cook
traduit par Patrice Couton
illustration de Didier Graffet / Johan Camou
éditions L’Atalante / J’ai Lu
360 pages (format moyen) 380 pages (poche)
Ce livre est le premier volume d’une véritable épopée qui restera à jamais parmi les chefs d’oeuvre du genre de mon point de vue de lecteur.
Il était temps que tu le chroniques 😉
Vu que j’ai commencé à relire quelques « vieux » trucs pour le plaisir et pour les chroniquer, ça me paraissait évident que j’allais y retourner un jour ou l’autre. 🙂
Je suis victime d’une malédiction concernant cette série : la bibliothèque municipale possède tous les tomes, sauf le premier… J’attends donc de le croiser un jour, par hasard, en occasion, pour enfin me lancer dans cette série qui me fait de l’oeil depuis des années et qui a tout pour me plaire.
Oh punaise, ça c’est vraiment malheureux. Et si on pourrait éventuellement faire l’impasse sur le premier volume, ce serait quand même manquer de pas mal d’éléments qui reviennent par la suite.
Tu en as fait la remarque auprès des bibliothécaires ? Parce que conserver une série dont il manque le premier volume, c’est un peu tout faire pour que personne ne l’emprunte.