Cette année a été marquée dans le domaine vidéoludique par la sortie de The Witcher 3, dernier épisode en date de l’adaptation en jeux vidéo des aventures de Geralt de Riv. Cette série de jeux est l’adaptation d’une série de romans et de nouvelles écrite par le polonais Andrjez Sapkowski et j’avais eu l’occasion de lire le premier recueil lors de sa parution en français en 2003 (soit quatre ans avant la sortie du premier jeu). L’arrivée du 3e volet de la saga vidéoludique m’a servi de prétexte pour relire Le dernier vœu et ainsi en profiter pour vous en parler un peu.
Geralt de Riv est un sorceleur, un chasseur de monstre payé pour régler les problèmes des rois, des princes ou de simples villageois. Mais il est aussi un mutant, regardé par la plupart avec un mélange de peur et de haine. A travers six nouvelles, reliées par une septième, on suit quelques-uns de ses contrats et les difficultés qu’il a parfois à les remplir ou se faire payer.
L’univers que propose Sapkowski est résolument fantasy. On y trouve quantité de créatures fantastiques, on y croise des nains et des elfes, la magie est présente. Bref, on ne peut pas se tromper sur la marchandise. Si l’ensemble n’est pas très détaillé, on dispose néanmoins des éléments suffisants pour chaque nouvelle et il en reste assez pour remplir un peu la toile de fond sans pour autant s’y perdre. On repère ici et là quelques noms de lieux ou de personnages qui évoqueront quelques souvenirs aux amateurs de la saga vidéoludique. Sapkowski décrit un de ces mondes, assez classique, dans lequel l’humanité a pris le pas sur les elfes, ces derniers semblant accepter plus ou moins bien cet état de fait.
Les nouvelles que l’on trouve dans ce recueil sont essentiellement des réécriture de contes connus. On pourra ainsi reconnaître la belle au bois dormant ou la belle et la bête. Mais Sapkowski nous livre des versions parfois assez éloignées de celles que l’on connait, les originales assez sombres comme les plus édulcorées de Disney & compagnie. Ici, le mal ne se cache pas toujours où on l’attend et la solution aux problèmes qui se présentent à Geralt est parfois bien différente de celle que nous connaissons. Si le bestiaire qu’utilise Sapkowski contient quelques créatures qui nous sont familières, il en apparait d’autres issues des mythologies slaves qui peuvent sembler déjà un peu plus exotiques au lecteur francophone et je trouve ça plutôt agréable.
L’une des choses qui m’avait séduit dans le jeu The Witcher, c’était le côté univers tout en gris, sans véritable identification du bien et du mal. Un monde dans lequel la xénophobie envers les non-humains est bien présente et où tout ce qui relève du fantastique et de la magie provoque la peur et donc la haine. Je ne me souvenais plus si cette approche se retrouvait aussi dans le recueil et j’ai pu constater que c’est tout à fait le cas. Les tensions sont parfois palpables entre les différentes espèces. L’activité de Geralt et sa nature le rendent aux yeux des autres à la fois indispensable, il chasse les monstres, et indésirable, il est mutant et connait une certaine forme de magie. On y trouve aussi déjà un ordre de guerriers religieux qui se consacre à la lutte contre toutes les différences, que ce soit magique ou raciale, de façon assez expéditive et plutôt dépourvu de diplomatie. Cette vision manichéenne du monde n’est évidemment pas conforme à celle de Geralt et il en résulte quelques tensions.
S’il n’y a pas de texte particulièrement brillant dans ce recueil, je n’y ai pas non plus trouvé de nouvelles vraiment mauvaise. Sapkowski n’est pas un grand styliste mais sa prose se lit sans soucis et l’univers qu’il propose dispose d’un minimum d’originalité pour se démarquer un peu des autres. C’est entre autres la teinte en gris de ce monde qui avait retenu mon attention à l’époque et c’est toujours le cas après cette relecture. Je peux maintenant m’attaquer à une relecture du deuxième recueil, L’épée de la providence, avant de me lancer dans la série de cinq romans qui y fait suite.
Le dernier voeu (Ostatnie zyczenie)
d’Andrzej Sapkowski
traduit par Laurence Dyèvre
illustration de Etienne Le Roux / CD Projeckt
éditions Bragelonne/Milady
313 pages (grand format) 382 pages (poche)
disponible en numérique chez 7switch