J’ai déjà abondamment parlé sur ce blog de la série Le livre malazéen des glorieux défunts de Steven Erikson et de façon élogieuse. Mais il me semble avoir un peu oublié d’écrire qu’Erikson n’est pas le seul à l’origine de cette œuvre. Sa série prend ses racines dans un univers de jeu de rôle qu’il a co-créé avec Ian Esslemont. Après avoir fait moult parties et créé toute une tripotée de personnages, les deux compères ont tenté diverses approches (jeu de rôle, script de film, etc.) avant qu’Erikson ne réussisse à vendre Gardens of the Moon a un éditeur britannique puis écrive les neuf volumes suivants. Mais de son côté Esslemont avait aussi écrit deux romans et la série d’Erikson finissant par connaître un certain succès, Esslemont pu faire publier ses ouvrages et se consacrer à l’écriture des suivants. Bref, on se retrouve avec deux séries de deux auteurs différents mais dans un même univers. Voyons donc ce que raconte le premier des romans d’Esslemont intitulé Night of Knives (la nuit des couteaux).
Les lecteurs d’Erikson savent que l’impératrice Lassen a par le passé éliminé l’empereur Kellanved pour prendre les rennes de la machine de guerre malazéenne. Mais les détails glanés ici et là dans la série d’Erikson ne donnent qu’une idée très partielle ce qui a bien pu se passer à ce moment-là. Night of Knives propose au lecteur le récit de cette nuit au cours de laquelle Laseen pris le pouvoir.
Pour ceux qui se sont déjà frottés à Erikson, Night of Knives n’impressionne pas par son épaisseur, avec à peine trois cents pages, l’ouvrage passerait presque pour une novella. La courte période de temps couverte par le récit explique facilement cette “minceur” mais cette nuit historique fut suffisamment riche en événements pour occuper le lecteur sans trop de soucis de longueur. Du côté du style, Esslemont n’est pas toujours à la hauteur d’Erikson, tout en étant en moyenne au-dessus de beaucoup d’autres auteurs de fantasy. Et dans certains passages on sent quand même sa plume qui s’envole et nous offre de belles choses à lire.
Night of Knives est vraiment une belle occasion d’en apprendre plus sur cet empire malazéen que l’on suit depuis Gardens of the Moon, notamment de découvrir un peu qui était Kellanved et de comprendre en détail comment Laseen l’a dépouillé de son trône, sans pour autant vraiment parvenir à l’éjecter de l’échiquier. Fidèle à l’univers malazéen, ce roman nous propose encore une fois toute une galerie de personnages avec des motivations propres. Mais si l’ouvrage permet au lecteur de la série d’en apprendre un peu plus sur certains points, il apporte surtout encore plus de questions qu’il n’en résout. Et entre les choses clairement dites et celles simplement évoquées ou sous-entendues, on sent rapidement que Night of Knives n’est pas une préquelle “ordinaire”. Là où ce type d’ouvrage a en général pour objectif de présenter les origines d’un ou plusieurs personnages ou un événement duquel découle la série principale, le roman nous laisse entrevoir quantités d’événements antérieurs à propos desquels on pourrait probablement écrire des séries entières.
En terme d’ambiance, ça tire par moment vers l’horreur. L’action se passant au cours d’une seule nuit qui va voir des déferlement de magie sur la capitale de l’empire malazéen, des affrontements entre puissants mortels, observés en coulisse par des entités divines, les allées sombres, les meurtres… Et des personnages qui pour beaucoup cachent leur identité réelle. Quelques petites notes d’humour permettent de contrebalancer cette ambiance sombre sans pour autant jurer avec le reste du récit.
Avec Night of Knives, Esslemont propose un volume “bonus” qui apporte un éclairage intéressant sur un événement clé de l’histoire de l’empire malazéen. Sa connaissance de l’univers qu’il a co-créé avec Erikson lui permet de rester très cohérent avec l’œuvre de son compère. Si l’ouvrage se passe avant ceux écrits par Erikson, il ne me parait pas nécessaire de le lire avant, il vaut mieux s’imprégner de l’univers par la série principale avant d’aller jeter un œil sur ce qui a pu se passer auparavant. Night of Knives peut ainsi très bien se lire après le quatrième volume, House of Chains. Après ce galop d’essai, Esslemont s’est lancé dans une série qui se passe en parallèle de celle d’Erikson. Le titre du premier volume, Return of the Crimson Guard, évoque quelques promesses intéressantes pour les lecteurs de la série principale. En tout cas, je compte bien m’y attaquer un jour.
Night of Knives
de Ian C. Esslemont
édition Bantam / Tor
300 pages environ (grand format) 330 pages environ (poche)
Celui ci traine dans ma pile depuis pas mal de temps, le côté je pose plus de questions que je n’offre de réponses, décrit un peu partout, m’avait quelque peu calmé. Va falloir que je lui donne une chance et aussi que je me lance sur le tome 10 d’Erikson (ayant été très déçu par le 9 j’avais aussi lâché l’affaire).
Si tu as déjà lu le reste d’Erikson, ça peut vraiment être un ajout intéressant. L’intérêt d’avoir plein de nouvelles questions avec Night of Knives c’est de bien montrer (comme le fait Erikson aussi de son côté) qu’il n’y a pas un Grand Début à l’Histoire, mais que tout est toujours la suite d’autre chose. Et puis il n’est pas long du tout… suivant les standards Eriksoniens. 😉