Après avoir relu les deux premiers volumes de la série Thursday Next de Jasper Fforde, il était assez évident que j’enchaînerais assez rapidement avec le troisième. D’autant plus que le deuxième épisode se termine en laissant beaucoup de choses en suspens. L’occasion de voir si l’auteur arrive à maintenir le niveau après deux opus à la qualité croissante. Voyons donc ce qu’il en est de Le puits des histoires perdues.
Afin d’échapper à Goliath qui a éradiqué son mari, Thursday Next s’est réfugiée dans un livre en attente de publication. Elle pourra ainsi mener sa grossesse à terme sans risque et se préparer à la contre-offensive contre le conglomérat tout puissant. C’est aussi l’occasion pour elle d’apprendre vraiment son rôle d’agent de la Jurifiction sous la houlette de Miss Havisham. Et les soucis ne manquent pas dans l’univers des livres. Incohérences à corriger, personnages fugitifs à capturer, protagonistes en grève, etc. Thursday ne va pas chômer.
L’affaire Jane Eyre se passait essentiellement dans notre monde, enfin dans celui de Thursday puisqu’il s’agit d’un univers uchronique. Délivrez-moi ! s’équilibrait plus entre ce monde et celui des livres et de la Jurifiction. Dans ce troisième épisode, la balance penche cette fois nettement du côté des livres. Ceci permet à Fforde d’explorer plus largement cet environnement et tout comme pour le monde de Thursday, les trouvailles fleurissent de partout. Les différentes missions de notre narratrice permettent de voir défiler différents aspects de cet univers, de la création des récits jusqu’à leur destruction. Et certaines des idées des volumes précédents trouvent de nouvelles applications, notamment le NDBDP-phone.
Comme d’habitude, les références sont nombreuses et diverses, aussi bien les classiques pour adulte et enfant que la littérature de gare. On découvre la face cachée des récits, les artisans de l’ombre qui s’arrangent pour que le récit ne déraille jamais, ou en tout cas que cela ne soit pas visible au lecteur. Fforde apporte aussi un éclairage intéressant sur les personnages, sur la façon dont ils naissent et s’affirment, mais aussi leurs aspirations. Car certains rêvent de changement et à défaut de ne plus pouvoir être le grand méchant d’un récit, ils espèrent pouvoir nuancer un peu leur interprétations, offrir une explication au pourquoi du comment. Dans le monde des livres comme dans le nôtre, le besoin de reconnaissance est là.
L’humour est toujours présent et Fforde sait aussi se moquer de notre monde. On voit ainsi le monde des livres succomber à la fièvre marketing que l’on connait au moment de la nouvelle présentation de produit Apple ou Microsoft. Et toujours des jeux sur la forme du texte, des exercices de style. Chez Fforde, le fond impose parfois la forme. L’auteur n’oublie évidemment pas de nous fournir une bonne intrigue pour mettre en scène tous ces éléments. Et Thursday va avoir bien du mal entre ses efforts pour ne pas oublier Landen et les problèmes que parvient à lui créer Aornis sans même être là, l’agente des Spec-ops a du pain sur la planche.
Une fois tournée la dernière page, je peux dire que le plaisir est toujours là. Le puits des histoires perdues est la suite logique du précédent volume. Fforde offre toujours ce mélange de trouvailles improbables, d’humour, de références aussi diverses que nombreuses et cet amour des livres et de la lecture qui donne envie de lire bien d’autres livres, dont le volume suivant de la série : Sauvez Hamlet. Tout ça accompagné de réflexions sur la lecture, l’écriture et le pouvoir de l’imagination. Que demander de plus ?
Le puits des histoires perdues (The Well of Lost Plots)
de Jasper Fforde
traduit par Roxane Azimi
illustration de Viktor Koen / Mari Roberts
éditions Fleuve Noir / 10-18
465 pages (grand format) 448 pages (format poche)
Rien ! pour répondre à ta question ^^ J’ai adoré, le monde « réel » ne m’a pas manqué tant celui des livres est passionnant 🙂