Dan Simmons est un auteur de science-fiction et de fantastique bien connu pour son cycle Hypérion ou pour le roman L’échiquier du mal. Il a aussi pratiqué diverses incursions dans le domaine du thriller mais c’est pour un ouvrage entre fantastique et roman historique que je vous en parle aujourd’hui. Le livre en question s’intitule simplement Terreur et pèse son poids.
1845, sous le commandement de sir John Franklin, le HMS Terror et le HMS Erebus quittent l’Angleterre. Leur destination ? Le grand nord canadien où l’expédition doit chercher le passage du Nord-Ouest. Et après un dernier contact avec des baleiniers dans la mer de Baffin pendant l’été 1845, l’expédition disparait. Aucun membre d’équipage ne sera revu en vie. Que s’est-il passé ?
C’est donc à propos d’une authentique expédition arctique qu’écrit Simmons. On est donc dans le récit historique et l’auteur n’a pas fait semblant. On sent qu’il s’appuie sur une grosse documentation pour enrichir son récit de multiples détails. Et parfois il en fait un peu trop, comme s’il voulait à tout prix prouver qu’il avait bien potassé son sujet. Ceci entraîne quelques répétitions et lourdeurs, ce qui est l’un des travers de l’auteur. Malgré tout, le texte se lit bien et on avance assez rapidement dans ce gros pavé. Et cette profusion de détails apporte aussi un côté très vivant à cette expédition et aux conditions dans lesquelles se menait l’exploration polaire à cette époque.
Le cœur du récit, c’est cette longue déchéance que vit l’expédition. Les problèmes se succèdent et bien que l’équipage et son commandant tentent d’y faire face avec courage et parfois ingéniosité, les éléments sont impitoyables et petit à petit on voit l’expédition se retrouver prise au piège, à l’image de ses deux bateaux pris dans les glaces. Et alors plus rien ne pourra les libérer. On insiste impuissant au calvaire qu’endurent des survivants de moins en moins nombreux. Les accidents, le scorbut, les problèmes inattendus, la dépression… Tout vient prélever sa part sur cet équipage coincé dans un territoire où l’hiver les nuits semblent durer sans fin. Et puis quelque chose semble roder autour des navires, une présence malveillante prête à frapper dès que l’attention se relâche.
Simmons fixe donc son récit quelque part entre l’historique et le fantastique. Et ce sera un peu au lecteur de trancher et de choisir s’il accepte l’explication rationnelle ou plutôt celle qui implique une volonté dans le calvaire que subissent les hommes du Terror et de l’Erebus. En associant fantastique avec environnement polaire, on pense facilement aux Aventures d’Arthur Gordon Pym d’Edgar Allan Poe et aux Montagnes hallucinées de H. P. Lovecraft. Mais Simmons se cède pas à la facilité en se contentant de pointer vers ses prédécesseurs et il gère bien son équilibre. Et au final, on peut se demander si cette possible créature fantastique n’est pas tout simplement anecdotique face aux rigueurs climatiques de l’hiver polaire, qui fait un très bon « méchant ».
L’hiver est peut-être la meilleure saison pour lire Terreur, comme ce fut mon cas. Mais je gage que même en plein été tropical on doit sentir parfois en soit la froideur glaciale de cette tragédie. C’est un roman qui tient beaucoup sur son ambiance et c’est un point sur lequel Simmons parvient à jouer avec talent. On se surprend par moment à espérer qu’au moins un ou deux personnages parviennent à échapper à l’issue funeste, tout en sachant qu’il n’en sera rien. Bref, c’est une lecture que je recommande vivement.
Terreur (The Terror)
de Dan Simmons
traduit par Jean-Daniel Brèque
illustration de François-Auguste Biard
éditions Robert Laffont / Pocket
720 pages (grand format) 1056 pages (poche)