L’automne dernier a vu l’arrivée dans le paysage anglophone d’une collection primo-numérique de novella sous le label Tor.com et en parcourant la liste des premiers titres, j’y ai vu un texte de K. J. Parker, intitulé The last witness. Appréciant pas mal cet auteur, j’ai décidé de faire un premier essai de cette nouvelle collection.
Le narrateur de The last witness a un don bien particulier. Il peut entrer dans l’esprit des gens et en retirer des souvenirs, qui deviennent alors les siens. Ce don lui permet de gagner sa vie en débarrassant les gens de souvenirs encombrants et présente une certaine utilité pour certaines catégories de truands. Mais comment vivre avec les souvenirs des autres lorsqu’ils deviennent indissociables des siens ?
La novella de Parker a un côté assez générique. En effet, le texte est à la première personne et si je ne m’abuse le narrateur n’est jamais nommé. La plupart des autres personnages n’ont pas de nom précis non plus et sont généralement nommés par leur fonction. On retrouve un peu le même traitement sur l’univers dans lequel se passe l’intrigue. Il y est bien question de différents pays, mais on serait bien en peine de dire vraiment où tout ça a lieu. De fait, ce texte peut sans problème se passer dans le même univers que la plupart des autres récits de Parker. En tout cas, on peut le lire sans aucune connaissance de l’auteur ni de son univers.
Le récit est parfois un peu confus, mais c’est volontaire et cohérent puisque le narrateur revit parfois des souvenirs et l’on sent bien qu’il ne sait pas toujours s’il s’agit des siens ou de ceux de ses « clients ». Et Parker utilise assez bien ce problème. Un individu est-il défini par ses souvenirs ? Et si l’on a des souvenirs, quel qu’en soit la provenance ou la véracité, n’ont-ils pas plus de valeur pour l’individu que la réalité elle-même ? On retrouve des questionnements sur l’identité que j’ai déjà croisé dans sa trilogie Charognard et dans une moindre mesure dans la trilogie Loredan. Je n’ai pas encore assez lu de Parker pour savoir si ce thème se retrouve un peu partout dans son œuvre, mais il semble pour l’instant récurrent. Tout comme celui de la folie, lié évidemment à la perception du réel, que l’on aperçoit parfois du coin de l’œil dans la novella.
Avec The last witness K. J. Parker propose un texte abordable tant pour ceux qui ne connaissent pas son œuvre que pour les lecteurs néophytes en fantasy. Le côté générique de l’univers sert bien un récit dont le cœur concerne l’identité et sa définition. Le tout servi dans une ambiance qui respire un peu la tragédie, autre thème récurrent chez l’auteur. Le titre n’est disponible qu’en anglais et bien qu’il soit possible de l’obtenir sous forme papier sa diffusion première est numérique. A moins de trois euros, il représente une bonne porte d’entrée pour les lecteurs intéressés par l’auteur.
The last witness
de K. J. Parker
illustration de Jon Foster
éditions Tor.com
140 pages (environ)