Harry Turtledove est considéré outre-Atlantique comme l’un des grands noms de l’uchronie. Son œuvre étant essentiellement inédite en français, je m’y suis intéressé dans la version originale en essayant le début d’une de ses nombreuses séries : How few remain. Ce roman dans un monde où le Sud a remporté la guerre de Sécession m’a suffisamment intéressé pour que je me lance dans l’étape suivant de cette série : la trilogie The Great War.
L’action reprend une trentaine d’année après la fin d’How few remain. Suite à leur deuxième échec face aux Etats Confédérés, les Etats-Unis ont amplifié leur rapprochement avec l’Allemagne. Le jeu d’alliance européen a fini par contaminer la majeure partie du continent américain et lorsqu’à l’été 1914 l’archiduc François Ferdinand est assassiné, l’Europe s’embrase et l’Amérique la suit dans la tourmente.
L’écriture de How Few Remain semble avoir donné des idées à Turtledove puisqu’il décida de poursuivre l’exploration de cette trame temporelle avec une trilogie complète. Je dois reconnaître que la fin de ce roman me laissait curieux sur l’avenir de ce monde à la situation géopolitique inédite. On peut évidemment se demander si cette ligne historique connaîtrait réellement l’embrasement consécutif à l’attentat de Sarajevo. De mon point de vue, l’ensemble parait assez crédible. Et l’impact d’une Amérique divisée sur le conflit mondial est important. Turtledove n’a pas trop de trois volumes pour décrire ce conflit qui cause autant de dévastation sur le territoire nord-américain qu’en Europe. D’autant plus qu’il en explore assez bien les différents aspects. Non seulement la guerre de tranchées bien connue de tous, mais aussi les débuts de la guerre aérienne, les campagnes sous-marines contre les convois, la réorganisation de la société avec la présence de femmes dans les usines, la vie des populations occupées dans les zones sous contrôle de l’armée ennemie, etc. L’auteur propose un portrait assez exhaustif du conflit. L’amateur qui connait un peu notre version de la première guerre mondiale y retrouvera pas mal de choses connues et le talent de Turtledove réside dans l’adaptation qu’il en fait au contexte américain.
Dans How Few Remain on retrouvait pas mal de personnages historiques plus ou moins connus, dont Lincoln et Mark Twain. Cette fois les figures historiques sont plus en retrait. Uchronie oblige de nouvelles figures émergent et dirigent les événements même si l’auteur nous propose quand même de croiser à l’occasion quelques noms connus. Les nouveaux protagonistes sont nombreux et assez variés. Du québecois occupé par les forces américaines au noir du sud en révolte contre son pays en passant par la femme de soldat qui doit travailler à l’usine pour subvenir au besoin de sa famille, les multiples profils proposés permettent de voir les différents aspects du conflit.
Je regrette un peu de ne pas voir dans l’ouvrage plus de référence aux évènements sur les autres théâtres d’opération, notamment l’Europe. Cependant, cette quasi-absence manifeste bien le fait que si ce conflit s’intègre dans l’ensemble plus large que constitue la première guerre mondiale, pour la plupart des acteurs du drame il s’agit surtout d’une opposition entre l’Union et la Confédération. Si l’évolution du conflit sur le continent européen les intéresse c’est surtout par son impact sur le continent américain.
Turtledove sème aussi des graines pour la suite, puisque qu’il a continué à explorer cet univers à travers une deuxième trilogie, suivie d’une tétralogie. Et on pourra ainsi voir le parcours d’un personnage qui dans les cycles suivants pourrait bien devenir le Hitler de la Confédération. Il est aussi intéressant de voir de quelle façon un mouvement socialiste s’installe petit à petit dans l’Union. Bref, on peut s’attendre à retrouver tout une partie des protagonistes dans la trilogie suivante.
Si la plume de l’auteur n’a rien de transcendant, le texte se lit bien et assez rapidement. The Great War n’est peut-être pas exempt de défaut, mais le plus gros reste le fait que cette série ne soit pas disponible en français. Et c’est bien dommage pour les amateurs d’uchronie, surtout ceux intéressé par le déroulement alternatif d’un conflit marquant. Cette trilogie propose un portrait assez exhaustif de ce conflit tout en l’adaptant de façon crédible au contexte américain. Ayant la chance de pouvoir lire en anglais, j’ai trouvé suffisamment d’intérêt dans ces trois volumes pour vouloir me lancer dans la trilogie suivante, The American Empire, et voir ce qu’il advient de cette Amérique du Nord si divisée.
The Great War
1. American Front
2. Walk in Hell
3. Breakthroughs
de Harry Turtledove
éditions Del Rey
500 à 600 pages par volume (poche)
Tu me donnes encore envie de lire, non pas un seul, mais PLEIN de livres!!!
Ce n’est pas si courant de lire des uchronies sur WWI, généralement elles sont souvent liées à WWII.
Note tout de même que le point de divergence n’est pas lié à la première guerre mondiale mais à la guerre de sécession. Et ce conflit est une bonne source en la matière pour les auteurs américains, ce qui parait assez évident. 🙂
En tout cas, il est vrai que si on vire la seconde guerre mondiale comme source de point de divergence, c’est un pan entier de l’uchronie qui disparait. :p
(note de l’amateur de wargames : la guerre de sécession est aussi un gros fournisseur de jeux dans ce domaine)