Ian McDonald fait partie des auteurs de SF britanniques dont le nom revient régulièrement dans les listes de meilleurs ouvrages depuis une vingtaine d’années. Dernièrement, l’auteur s’est engagé dans l’écriture d’une trilogie dont le premier volume, intitulé Luna, vient de sortir dans la collection Lunes d’encre des éditions Denoël. Voyons un peu ce que donne ce livre que certains présentent comme un Game of Thrones sur la Lune.
L’humanité a colonisé la Lune, essentiellement pour en exploiter les ressources au profit de la planète mère. Le pouvoir s’est alors réparti entre différentes familles, chacune contrôlant un aspect de l’économie lunaire. On va suivre essentiellement les aléas de la famille Corta, dont l’entreprise contrôle la majorité de l’extraction d’hélium 3, carburant indispensable aux centrales à fusion de la Terre.
L’action est présente dès le début et on plonge tête la première dans ces intrigues de pouvoir entre familles. La distribution en personnage est assez riche, mais on ne s’y perd pas trop, notamment du fait que l’action reste principalement cantonnée autour de quelques personnages précis.
L’environnement que propose McDonald est intéressant. La Lune offre un certain exotisme mais est surtout un milieu dans lequel la survie de l’espèce humaine n’a rien de simple. Enterrée dans des villes souterraines pour échapper aux radiations qu’une absence d’atmosphère n’arrête pas, la population doit contrôler parfaitement les cycles de l’air, de l’eau et du carbone pour assurer sa survie sur le long terme. Tout ça est assez bien rendu par l’auteur. Un détail que je trouve assez intéressant : le fait que les migrants sur la Lune n’ont qu’un temps limité pour faire leur choix entre rester ou retourner sur Terre. En effet, passé un certain délai leur corps ne sera plus capable de supporter la gravité terrestre.
J’ai vu à plusieurs endroits cette série présentée comme étant une sorte de Game of Thrones sur la Lune. Je ne partage pas vraiment cette impression. Pour moi, ce serait plutôt un mélange de Dune avec Amour, gloire et beauté. Dune, parce qu’on y retrouve une lutte entre dynastie pour le contrôle d’une ressource alimentant toute l’humanité, le tout dans un environnement contrôlé par un acteur supérieur. La LDC fait ici office de Guilde spatiale et j’espère d’ailleurs en apprendre un peu plus à ce sujet dans les volumes suivants. Amour, gloire et beauté pour le côté intrigue de famille où l’on s’interroge sur qui couche avec qui et on observe une certaine obsession pour la mode. Les lecteurs allergiques aux descriptions vestimentaires risquent d’ailleurs d’avoir un peu de mal avec ce livre. Pour moi, ce qui manque vraiment pour que l’on puisse rapprocher véritablement l’ouvrage de Game of Thrones c’est la menace externe. Les familles belligérantes du royaume mis en scène par George R. R. Martin sont sous la menace de cet hiver qui vient de par-delà le Mur et que la plupart préfèrent ignorer alors que cet événement peut rendre caduque toutes les luttes intestines. Rien de tel dans Luna.
Le livre n’est pas très épais et se lit rapidement. McDonald a un style un peu particulier avec parfois des changements de scène abrupts, voire parfois franchement maladroit. Mais cela ne ralentit pas vraiment la lecture entre autres parce que le récit avance à un bon rythme. Du côté des défauts on pourra aussi trouver un côté un peu trop monolithique à l’organisation de cette société lunaire avec une identification tellement claire entre famille, pays d’origine et fonction que ça en prendrait presque un air de supplément rôlistique.
Avec Luna, Ian McDonald propose un début de trilogie sympathique dans un univers intéressant et qui se lit rapidement. Ça fait un divertissement plutôt bon, sauf pour les allergiques aux intrigues sentimentalo-sexuelles et aux descriptions de fringues. On verra bien dans le prochain volume comment les survivants de ce premier épisode se débrouillent.
Luna (Luna : New Moon)
de Ian McDonald
traduit par Gilles Goullet
illustration de Manchu
éditions Denoël
459 pages (format moyen)
C’est McDonald en personne qui a commencé à parler de Game of Domes, bien avant que les critiques ne parlent de Game of Thrones de l’espace : http://www.locusmag.com/Perspectives/2014/08/ian-mcdonald-on-xenoforming/
Je suis assez d’accord avec toi (j’en suis à la moitié du livre) ; c’est bien fait mais avec parfois des longueurs et des effets de mode (et pour parler de sexe, il faut être très fort, sinon, c’est vite vulgaire ou ringue)…
Beaucoup de références aux années « bissextiles » comme disent certains ignares…(au lieu de « sixties », evidently…)
Plusieurs autres titres de McDonald sont encore sur ma PAL …C’est un auteur difficile parfois, il faut s’y mettre et prendre son temps, mais ça vaut le coup…
Je n’avais pas repéré ce truc sur bissextiles. Par contre j’ai vu un « billions » qui n’a pas été traduit en « milliards », dommage. 🙂