Kim Newman est le créateur d’un univers littéraire, Anno Dracula, dont les deux premiers volumes m’ont plu. Le mélange entre fantastique et uchronie saupoudré de références littéraires et historiques se tenait bien. Aussi, lorsque l’éditeur français de l’auteur décida de publier son volume consacré à Moriarty, le fan de Sherlock Holmes que je suis n’a bien sûr pas résisté une seconde à la tentation d’en faire l’acquisition.
Sebastian Moran est colonel de l’armée de sa gracieuse majesté la reine Victoria. Il est aussi l’homme de main du professeur Moriarty, le Napoléon du crime. Sa position unique dans son organisation permet donc à Moran de nous conter quelques-unes des affaires pendant lesquelles il a assisté son chef.
L’ouvrage est présenté comme un manuscrit retrouvé après avoir dormi quelques décennies dans un coffre de banque et remis en état par une universitaire, laquelle complète le texte de quelques notes. Le récit est sous la forme d’une série de nouvelles, chacune consacrée à une affaire en particulier. L’amateur de Holmes reconnaitra des clins d’œil à différentes nouvelles de Conan Doyle dans les titres ainsi que dans le contenu. On constate d’ailleurs que Moran a lui-même quelques points communs avec Watson : blessé en Afghanistan, il fait la connaissance de son mentor quelques temps après son retour à Londres, etc.
Le style est différent de celui des textes « écrits » par Watson. Moran n’a pas la même culture ni le même regard sur le monde. Il est nettement plus irrévérencieux et n’hésite pas à y aller de ses commentaires personnels, souvent désobligeants. Et si la société victorienne est sexiste et raciste, Moran semble tout de même plus marqué que les gens de son époque sur ces questions. Il en résulte un récit parfois un peu coloré au niveau du vocabulaire qui apporte un petit côté jubilatoire à la lecture. Oui, Moran est un salaud et il l’assume. Et c’est un plaisir à lire.
L’une des choses que j’ai beaucoup appréciée dans la série Anno Dracula ce sont toutes les références littéraires et autres que Newman saupoudre dans son récit. On retrouve un peu le même jeu dans cet ouvrage. Comme dit plus haut, Newman fait évidemment de nombreuses références aux écrits de Conan Doyle (Moran réussissant à parler de Sherlock Holmes à plusieurs reprises sans jamais le nommer). Mais on va aussi trouver des clins d’œil à d’autres acteurs culturels de l’époque, notamment H. G. Wells (on saura enfin où il a pioché ses idées pour sa Guerre des mondes). Et comme le laisse supposer le titre de l’ouvrage, l’un des textes évoquera la famille de Tess d’Urberville. Tout comme dans les Anno Dracula, il y a probablement des références qui m’échappent mais la façon dont le récit est écrit fait que cela ne m’a pas gêné à la lecture tout en étant content des références que j’ai pu repéré.
En m’attaquant à Moriarty, je n’étais pas très inquiet sur le plaisir que je prendrai à le lire et je ne me suis pas trompé. Tout comme dans Anno Dracula, Newman ne peut pas s’empêcher de semer des références un peu partout et d’utiliser les éléments de la culture victorienne, des plus connus aux plus obscurs. Ajouté à ceci la plume acerbe du Colonel Moran, le résultat ne m’a pas déçu et j’espère que Newman saura encore livrer quelques pépites du même calibre.
Moriarty : Le chien des d’Urberville (Professor Moriarty: The Hound of the D’Urbervilles)
de Kim Newman
traduit par Leslie Damant-Jeandel
illustration de Noëmie Chevalier
éditions Bragelonne
432 pages (grand format)
disponible en numérique chez 7switch