Nous voilà arrivé au dixième volume de la série Honor Harrington. En regardant un peu en arrière, je me demande parfois comment j’ai pu arriver si loin tant David Weber cumule les défauts dans les précédents opus. Mais je continue malgré tout et le cap de la dizaine de roman est donc atteint. Voyons si par miracle tout ça gagne un tant soit peu en qualité pour une fois.
Quatre années se sont écoulées depuis la fin du volume précédent et la trêve entre Havre et Manticore ne s’est toujours pas transformée en accord de paix. Du côté de la République de Havre on commence à s’impatienter, pendant que l’alliance manticorienne commence à se déliter du fait de la politique du gouvernement manticorien.
Sans surprise, les défauts sont toujours là. Et quand Weber nous fait de la politique, c’est encore plus flagrant. Les adversaires politiques d’Honor Harrington sont évidemment de vils politiciens qui tapent dans la caisse et essaie de bricoler la législation pour retarder au maximum des élections qu’ils sont convaincus de perdre. Étant du côté des « méchants », ils sont évidemment alliés aux mauvais militaires manticoriens, alors que les bons sont systématiquement écartés des positions de décision. D’ailleurs, les vilains politiques veulent réduire au maximum les capacités de l’armée (ça coûte moins cher) tout en faisant trainer les négociations de paix avec Havre (ça permet de retarder les élections). La contradiction entre les deux semblerait flagrante au premier venu. Tout ça en essayant de déclencher quelques désastres militaires sur des fronts annexes, pour pouvoir décrédibiliser Harrington et ses alliés. Bref, plus con tu meurs.
Weber se relance aussi un peu dans la romance, évidemment toujours aussi imbuvable et la situation entre Harrington, Havre-Blanc et la femme de ce dernier est d’un grand ridicule. Le tout est évidemment noyé dans un blabla sans fin, Weber explique trop, à chaque nouveau personnage on a droit à l’historique complet, etc. Bref, c’est lourd et maladroit. Tout ça pourrait tellement gagner en efficacité pour peu qu’on raccourcisse tout ça. C’est d’autant plus vrai que ce roman partage l’un des principaux défauts du septième épisode, Aux mains de l’ennemi : c’est un très long prologue à l’épisode suivant, qu’on aurait pu amener nettement plus rapidement. Enfin soigner un peu quelques éléments d’intrigue n’aurait pas été un mal pour ne pas trop tirer sur la suspension d’incrédulité, un peu mise à mal par moment (notamment par une histoire de courriers diplomatiques). On notera en passant que quand la République de Havre cherche à annexer des planètes, c’est très vilain, quand le Royaume de Manticore cherche à faire de même, c’est pour le bien des gens qu’on annexe. On fait difficilement plus grotesque.
Tout cela est bien dommage parce qu’il y a pourtant matière à faire des choses intéressantes. Par exemple, l’idée de retarder la signature d’un traité de paix pour des raisons de politique intérieure. Cela n’a rien d’aberrant et on doit même pouvoir trouver quelques précédents historiques. Mais Weber le fait avec un tel manque de subtilité que ça parait simplement grotesque. Idem pour la romance dans laquelle s’embarque Honor. Entre les mains d’un auteur capable d’un minimum de finesse dans la mise en scène ça pourrait produire quelque chose d’agréable à lire. Mais Weber est tout aussi pataud dans le traitement des sentiments que dans l’art subtil de la politique. Au final, l’une des rares choses intéressantes de l’ouvrage, à part l’action spatiale, c’est la poursuite de l’évolution en termes de doctrine spatiale où l’on voit Weber copier l’introduction des porte-avions dans les marines de guerre du 20e siècle.
Ce nouvel épisode ne redresse nullement la barre au niveau qualitatif et est particulièrement marqué par des longueurs bien trop nombreuses. La seule vraie bonne nouvelle, c’est que la guerre devrait être de retour dans le volume suivant. Avec un peu de chance, le quota d’action (en fin de compte la quasiment seule chose que Weber écrit bien) devrait être élevé.
Profitons aussi un peu de ce dixième roman pour faire un petit bilan depuis le début de la série. Dans Mission Basilic, David Weber proposait un point de départ intéressant. Un univers en partie calqué sur l’Europe pré-Révolution, avec la promesse de belles batailles spatiales. Et sur ce plan, on n’est pas déçu. L’auteur propose de l’action, c’est bien mené et on se laisse emporter. Mais Weber tente d’introduire d’autres éléments narratifs dans ses intrigues et là ça passe moins bien. Entre les romances qui oscillent entre le gnangnan et le grotesque et les intrigues politiques qui manquent singulièrement de subtilité, Weber montre terriblement ses limites. Sans parler des messages que l’auteur semble essayer de faire passer, sur la supériorité de l’économie de marché ou l’horreur que peut représenter les aides aux chômeurs sans parler d’un système d’impôt progressif… Bref, Weber est assez transparent dans ses intentions. La série souffre aussi d’un autre écueil, très régulier dans la SF et la fantasy : l’inflation. Si sur les premiers volumes l’auteur se maintient à un niveau assez régulier, il finit par céder à cette tendance qui consiste à en mettre de plus en plus à chaque nouvel opus. Et parfois pour en raconter de moins en moins. Les éléments d’intrigue sans grand intérêt se multiplient et plusieurs volumes mériteraient de sérieuses coupes dans le texte. Il reste tout de même une ou deux choses intéressantes dans cette série, au-delà des batailles spatiales. J’arrive encore à trouver de l’intérêt à l’évolution de la géopolitique (calqué sur notre histoire) et au changement des doctrines militaires que l’on voit dans les derniers volumes (en bonne partie inspirée par la deuxième guerre mondiale). Mais si l’on n’a aucun intérêt pour ces aspects, je crois que l’on fait mieux d’éviter la série.
Plaies d’honneur (War of Honor)
de David Weber
traduit par Florence Bury
illustrations de Genkis
éditions L’Atalante
576 et 560 pages (format moyen)
Disponible en numérique sur 7switch