Si je n’ai jamais eu l’occasion de chroniquer ici la première trilogie de K. J. Parker, la trilogie Loredan, j’ai par contre écrit à propos du début de sa deuxième série, Charognard. Et comme le premier volume, Ombre, m’a autant emballé que les livres précédents de l’auteur, j’ai décidé de continuer.
Poldarn est de retour dans son pays natal. L’occasion pour lui de renouer avec son passé et ses origines. Mais sa mémoire reste pleine de trous et le mystère persiste sur les raisons pour lesquelles il a quitté la région. Sans parler de l’impression étrange que lui font tous ces gens qui prétendent le connaître.
Après un premier volume dans lequel le protagoniste connaissait diverses aventures, voyageait et faisait de nombreuses rencontres dont beaucoup se terminaient assez mal, Parker propose cette fois un tome un peu plus calme. Poldarn revient au pays, il découvre sa famille et ses voisins et tente de se réinsérer dans cette étrange société. Mais là aussi, rien n’est simple. Poldarn est de bonne volonté et semble sincèrement vouloir retrouver sa place dans ce milieu. Mais quoi qu’il fasse, on dirait qu’il a un don pour faire le mauvais choix. La particularité des habitants du coin lui échappe et cela lui occasionne pas mal de soucis.
Parker est toujours aussi précise (oui, on sait depuis quelques années que K. J. Parker est en réalité Tom Holt, un homme, mais je préfère continuer à la qualifier au féminin) dans ses descriptions. Elle ne perd rien de sa capacité à remplir une page de petites choses sans importance mais qui donne corps aux endroits et aux gens que l’on rencontre. Un peu à la façon d’un parcours dans un marché ou une brocante, avec le regard qui erre d’étalage en étalage. Je ne crois pas qu’il soit formellement dit quelque part que tous les écrits de Parker se passent dans un même univers, mais c’est un peu la sensation qui transparait. J’y trouve comme une sensation d’environnement générique. Le cadre de Charognard ressemble à celui de la trilogie Loredan tout comme à celui de The Last Witness. Mais jamais ce n’est réellement affirmé. Et je trouve que ça montre bien que ce que qui importe dans les écrits de Parker n’est pas le fait d’avoir un cadre cohérent et détaillé (même si c’est appréciable), mais le récit qui s’y inscrit et les thèmes que propose l’auteur.
Motif a par moment des airs de variations sur le thème de la folie, chose que je trouvais déjà dans les romans précédents de Parker. Et bien sûr, la question de l’identité est omniprésente. J’y ai aussi trouvé un peu de questionnement sur ce qu’est la méchanceté. Poldarn est un personnage qui a semé nombre de cadavres le long de son parcours mais jamais véritablement de sa faute ou par méchanceté. Parker joue un peu une nouvelle fois autour de l’idée de prophétie et sur ce point, comme sur d’autres, elle part un peu à contrepied des clichés de la fantasy. Enfin, j’ai ressenti comme une notion d’ordre cyclique, de perpétuel renouvellement. Je trouve le titre du roman (traduction fidèle de son titre anglais) assez bien choisi. J’aime quand le titre d’un livre va un peu au-delà d’une simple description et qu’il apporte aussi un élément au récit lui-même.
Motif est une belle continuation à Ombre. Parker parvient à donner une direction différente à son récit et montre bien que les retrouvailles de Poldarn avec son peuple et sa famille n’était pas que la fin d’un voyage : c’est le début d’un autre. Je suis très curieux de voir ce qu’elle propose dans le dernier volume de cette trilogie.
Motif (Pattern)
de K. J. Parker
traduit par Benjamin Kuntzer
illustration de Didier Graffet
éditions Bragelonne
502 pages (grand format)