J’ai déjà évoqué plusieurs fois ici et ailleurs (dans l’Agence tous geeks) l’œuvre de David Brin. Les éditions Milady rééditant les premiers volumes de sa série Élévation, je me suis trouvé un bon prétexte pour en relire le premier volume, intitulé Jusqu’au cœur du Soleil.
L’humanité a commencé à quitter son monde d’origine et a découvert que la galaxie est riche de civilisations de toutes sortes. Quelque temps après son intégration dans une sorte de fédération, des scientifiques humains découvrent dans leur propre étoile les indices de la présence d’une forme de vie. Une découverte qui peut remettre en cause la place de l’humanité dans cette fédération.
Jusqu’au cœur du Soleil est le premier roman de David Brin et dès sa première œuvre Brin écrit dans ce qui sera son univers le plus connu : l’Élévation. De la même façon que Stephen Baxter explorait l’univers Xeelee dès sa première nouvelle (The Xeelee Flower) et son premier roman (Gravité), Brin pose dans ce premier roman les bases de ce futur dans lequel l’humanité doit se démener pour gagner sa place à côté des autres espèces sentientes de la galaxie. Et l’idée de l’Élévation est très intéressante. L’intelligence n’apparaîtrait pas de façon naturelle mais serait artificiellement propagée par les espèces sentientes. On retrouve en filigrane l’une des idées d’Arthur C. Clarke dans son 2001, l’odyssée de l’espace. L’auteur étant humain (et à l’époque débutant en tant qu’auteur de SF) notre espèce se singularise évidemment par le fait ne pas avoir de progéniteur connu. Au-delà de la manifestation d’un certain anthropocentrisme, c’est surtout une très bonne source d’intrigue : l’humanité est acceptée comme espèce patronne mais son statut reste précaire. La suite du cycle montrera un peu ce que l’on peut tirer d’une telle situation dont on devine déjà quelle ne sera pas sans conséquence d’autant plus que l’on perçoit que la société galactique connaissait déjà quelques problèmes avant la prise de contact avec l’humanité.
Ce premier opus n’a pas encore la richesse que l’on pourra trouver dans les épisodes suivants, mais on sent déjà poindre à l’horizon toute la diversité de cette société galactique. Les espèces extra-terrestres présentées sont peu nombreuses mais proposent déjà une dose assez correcte d’exotisme. Le lecteur en découvre d’ailleurs parfois autant que les personnages sur leurs nouveaux voisins. La « généalogie » des espèces que chaque sentient du reste de la galaxie semble arborer fait bien sentir que l’ordre social des espèces obéit à des règles auxquelles les humains risquent d’avoir un peu de mal à se plier.
Relire le premier roman d’un auteur après avoir lu une bonne partie du reste de son œuvre est une expérience intéressante. Dans le cas de Brin, on constate que dès le début certains thèmes récurrents sont présents et donc manifestement profondément ancrés dans la personnalité de l’auteur. Si chez Baxter on pourrait ainsi identifier le thème de l’évolution, chez Brin il s’agit plutôt de la surveillance, des réseaux et du partage des données. La société humaine que propose l’auteur dans cet ouvrage a d’ailleurs un côté un peu dystopique, une partie de l’humanité formant dans les faits des citoyens de seconde classe, dépourvus de certains droits. On trouve aussi déjà l’optimisme de l’auteur sur certaines questions, l’humanité faisant preuve d’assez de maturité pour survivre jusqu’au premier contact et pour élever à la sapience d’autres espèces.
Jusqu’au cœur du Soleil n’est pas qu’un roman de space opera avec une humanité cherchant sa place dans une fédération. C’est aussi un ouvrage de hard-science. Brin va nous en apprendre un peu (voire beaucoup) sur notre étoile et son fonctionnement. Les idées que propose l’auteur pour son exploration sont aussi assez étonnantes.
L’ouvrage a quelques défauts. Les personnages de ce premier opus ne sont pas aussi mémorables que le seront certains du reste du cycle. L’intrigue a aussi quelques problèmes de rythme, empilant plusieurs mystères. La résolution de ces derniers n’arrive pas toujours au meilleur moment. On sent que l’auteur manque encore un peu d’expérience.
Bref, malgré quelques défauts Jusqu’au cœur du Soleil est un premier roman intéressant qui peut attirer les amateurs de hard-science, notamment ceux qui auraient lu Accrétion de Stephen Baxter. L’ouvrage forme une introduction intéressante au grand cycle de David Brin ainsi qu’au reste de son œuvre. Cependant, sa lecture n’est pas nécessaire pour se lancer dans le reste du cycle de l’Élévation dont le second volume, Marée stellaire, lance réellement l’intrigue. Ce roman forme plutôt une sorte de prologue au reste. Cette relecture m’ayant fait plaisir, l’étape suivante est évidemment la relecture de Marée stellaire.
Jusqu’au cœur du Soleil (Sundiver)
de David Brin
traduit par Françoise Rose
illustration de Emile Denis
éditions Milady
480 pages (poche)
disponible en numérique chez 7switch
J’ai lu directement le suivant. Et même si il peut se lire sans passer par la case départ, je regrette presque de n’avoir pas tenter celui-ci dès le début. Je crois qu’il y aurait apporté une richesse supplémentaire.
On perçoit quelques petits trucs en plus, notamment au niveau de la bibliothèque, mais pas plus que cela je pense. Par contre, passer par le premier volume permet d’y aller graduellement, car je pense qu’il y a moins d’informations à intégrer que dans Marée stellaire. Sans pour autant que ce dernier soit particulièrement difficile à aborder directement. Sinon, il me semble que ce premier volume est le seul qui se passe en totalité dans notre système solaire. 🙂