Il y a des auteurs qui écrivent presque toujours dans le même genre ou le même style et d’autres qui font un peu varier les plaisirs. Adam Roberts ferait plutôt partie de la deuxième catégorie. Je l’ai d’abord connu pour ses parodies de Star Wars et de l’univers de Tolkien. Pourtant, ce britannique écrit aussi de la science-fiction tout à fait sérieuse. C’est donc avec curiosité que j’ai lu Gradisil.
La conquête de l’espace c’est sympa, mais c’est dangereux. Et les précautions que prennent les états dans leurs programmes spatiaux en augmentent fortement le coût. Mais si l’accès à l’espace devenait moins cher, tout en étant plus aléatoire, que se passerait-il ? C’est en partie à cette question que répond le roman d’Adam Roberts.
Si l’idée de départ qu’a Adam Roberts ne permet pas à tout un chacun d’aller dans l’espace aussi facilement qu’à la boulangerie du coin, elle rapproche quand même sensiblement cette activité du vol de plaisance : pas accessible à tous mais pas non plus réservée aux seuls états et aux très grandes entreprises. On voit alors des gens d’horizons divers se lancer dans les vols spatiaux. Inévitablement, certains ne vont pas se contenter d’une orbite avant de retrouver le plancher des vaches et commencent à construire leur petit habitat spatial personnel. Et progressivement on voit tout une société se former autour de la Terre. Jusqu’au moment où les nations terrestres décideront de se mêler de l’affaire.
Cette colonisation spatiale que raconte Roberts rappelle un peu les temps des pionniers de l’aviation, où des bricoleurs de toutes sortes se lançaient à la conquête des cieux, parfois de façon tragique. Et je trouve son propos assez crédible. Tant dans la façon dont cette colonisation se fait, de la manière dont la société orbitale s’organise, se crée ses coutumes, etc. que dans l’évolution politique qui l’accompagne et qui mène inéluctablement vers un choix entre deux options : passer sous la coupe des états terrestres ou bien affirmer son indépendance et éventuellement se battre pour la préserver.
Gradisil, c’est le nom de celle qui va fédérer les habitants de l’orbite terrestre et diriger la lutte contre les puissances terrestres. En trois parties et en trois générations d’une famille happée par les événements, on va suivre la vie et le destin de ce personnage historique, sans jamais suivre son point de vue. Chacune de ces parties correspond à une époque différente de la vie de Gradisil et le personnage dont on a le point de vue influe sur la façon dont on perçoit la figure historique. En effet, au-delà des ambitions “historiques” de Gradisil, on voit aussi ses défauts et ses autres motivations et on le perçoit peut-être d’autant mieux que l’on n’a jamais son point de vue.
Avec Gradisil, Adam Roberts propose une sorte de tragédie historique et familiale. A partir d’un point de départ intéressant, Roberts propose un futur cohérent. Mais il articule son récit autour d’une histoire familiale indissociable de la trame historique, avec des points de vue qui sont très bien rendus, chaque personnage ayant ses particularités et ses faiblesses. Et c’est un livre qui me donne envie de m’intéresser un peu plus aux œuvres “sérieuses” d’Adam Roberts.
Gradisil (Gradisil)
d’Adam Roberts
traduit par Elisabeth Vonarburg
illustration de FBDO
éditions Bragelonne / Folio SF
576 pages (grand format) 770 pages (poche)