La mort, entre autres reprenait les aventures de Bernie Gunther, le privé allemand, après plus d’une décennie d’absence dans les librairies. Maintenant qu’il est reparti sur son personnage le plus célèbre, Philip Kerr ne le lâche plus et le fait même voyager. En effet, dans Une douce flamme nous retrouvons Gunther peu de temps après la fin du précédent volume. Lequel se terminait justement par la décision pour le détective de quitter l’Allemagne, afin d’échapper à des accusations de meurtre, ainsi que mettre de la distance entre lui et les chasseurs de nazis qui le confondent avec un autre.
Quelle meilleure destination pour un supposé criminel de guerre que l’Argentine ? Une communauté germanique y est déjà implantée, le régime local sait fermer les yeux sur certains passés et le climat est chaud. Tout pour plaire. Sauf quand on doit voyager en compagnie de gens dont l’ancien nom est Adolf Eichmann. Mais ce n’est qu’une contrariété temporaire pour Bernie Gunther qui se forge rapidement une nouvelle identité.
Cependant, son passé de flic lui colle aux pieds et Gunther se trouve entraîné bien malgré lui dans une affaire qui résonne étrangement avec une autre sur laquelle il avait dû enquêter en 1932. Pour la première fois dans la série, on va naviguer entre deux époques. C’est d’ailleurs, je crois, le premier retour dans la période d’avant le régime nazi. On fait donc un tour dans le Berlin de 1932, en compagnie de Bernie Gunther. Kerr rend vraiment vivante cette république de Weimar mourante où s’affrontent SA et militants communistes. On sent bien que le régime est à bout de souffle et visiblement pas grand monde, quelque soit son bord politique, ne semble décidé à le sauver.
Du côté de l’année 1950, on fait la découverte de l’Argentine péroniste. Son président. La femme de ce dernier. La police politique et ses techniques originales pour se débarrasser des opposants. Les magouilles en tout genre. Tout ça est vivant et ça donne envie (ou pas) d’y faire un tour. Bernie Gunther est évidemment ravi de cette ambiance, qui lui offre maintes occasions de faire preuve de son cynisme légendaire, en récoltant quelques coups au passage.
Les deux contextes sont intéressants et Kerr arrive à en tirer parti. Sur le segment berlinois, on a le regard d’un allemand qui a vu mourir un régime démocratique sans être capable de le sauver. Gunther doit s’interroger sur sa responsabilité personnelle dans la fin de la république de Weimar : a-t-il tenté quoi que ce soit pour essayer de la sauver ? On sent aussi que sans adhérer aux idéaux nazis, certains décident simplement de ne pas se mettre à dos les possibles futurs maîtres de l’Allemagne. Du côté de l’Argentine, on fait la découverte d’un pays où des juifs allemands ont fuit pendant les premières années du régime nazi, avant que la dictature argentine ne se rapproche de l’Allemagne, puis après guerre un endroit où trouvent refuge les anciens nazis recherchés par la justice. On voit comment ces derniers s’organisent tant pour se mettre à l’abri de possibles poursuites que pour entretenir une certaines influence sur le pouvoir local.
Avec Une douce flamme, Philippe Kerr continue de mettre en scène Bernie Gunther dans ses péripéties d’après guerre, notamment au contact de salauds qu’il aurait préféré ne jamais recroiser. Mais il conserve aussi l’attachement à l’Allemagne avec une partie du récit dans le passé et c’est peut-être cet aspect là qui fait qu’on reste attaché à la série.
Une douce flamme (A Quiet Flame)
de Philip Kerr
traduit par Philippe Bonnet
éditions Le Masque / Livre de poche
427 pages (grand format) 576 pages (poche)
RIP Philip Kerr…