This is the end, chante Adele dans Skyfall. Après neuf gros volumes, la fin du Livre malazéen des glorieux défunts arrive. Neuf volumes à suivre une multitude de personnages à travers de nombreuses intrigues et plusieurs continents. Est-ce que la fin sera à la hauteur du reste de la série ? Réponse avec The Crippled God.
Les Bonehunters semblent au bout du rouleau. Épuisés par la marche, amoindris par un environnement hostile, affaiblis par les affrontements, ils suivent Tavore qui semble la seule à savoir où ils vont et peut-être aussi la seule à avoir encore foi en eux. Au bout du chemin, des forces se rassemblent pour mettre fin à leur périple.
Erikson prévient au début de Dust of Dreams que les deux derniers volumes forment un seul et même roman. On le constate dès le début de cet ultime opus puisqu’il n’y a pas de prologue. On entre directement dans le récit. Cet enchaînement direct de l’un à l’autre fait que j’ai attendu moins longtemps entre les deux volumes. D’une part, je voulais avoir encore assez d’éléments de Dust of Dreams encore présents à l’esprit pour démarrer le dernier volume sans soucis. D’autre part, je ne voulais pas supporter trop longtemps le suspense dans lequel on restait à la fin du précédent tome. De ce point de vue, on est rapidement rassuré pour certains personnages mais évidemment pas pour d’autres.
L’un des exercices difficiles sur les fins de séries, c’est de faire converger tous les éléments, fils narratifs, personnages, etc. en un tout cohérent. C’est d’autant plus difficile que la série est complexe. Erikson avait déjà commencé le travail dans Dust of Dreams. Le résultat final est-il parfait ? Peut-être pas, à l’impossible nul n’est tenu. Mais l’auteur fait probablement mieux que la plupart de ses collègues, sur des séries pourtant infiniment moins complexes. Erikson n’atteint pas la perfection divine, mais il s’est probablement hissé plus haut qu’aucun autre mortel avant lui. Peut-être même a-t-il atteint l’ascendance en cours de route. La fin de The Crippled God n’est pas la Fin de l’Histoire mais c’est la fin d’une histoire. Sur ce point, Erikson est cohérent avec le début et le reste de la saga : l’Histoire n’a ni commencement, ni fin. Tout n’est pas non plus expliqué en détail. Certains points demandent, une nouvelle fois, un peu de réflexion et d’interprétation de la part du lecteur et d’autres resteront mystérieux, avec peut-être quelques réponses supplémentaires dans la nouvelle trilogie que prépare l’auteur. Cependant, le lecteur ne reste pas en plan au milieu d’une ébauche de quelque chose. Erikson fournit tout de même la réponse à quantité de questions. Simplement pas à toutes.
En neuf volumes, j’ai eu mon lot de surprises, y compris dans le précédent tome où Erikson balançaient encore quelques révélations qui n’avaient rien de minimes. The Crippled God a lui aussi droit à son lot et d’une certaine façon l’auteur réussit à me surprendre jusqu’à la fin. Certaines de ces surprises sont d’ailleurs très sujettes à interprétation, ce que les fans n’hésitent pas à faire, parfois avec des débats ardus.
Erikson dirige toujours toute une cohorte de personnages. On retrouve d’ailleurs, avec plaisir, des noms absents du volume précédent. Et comme à chaque fois, d’autant plus qu’on est un peu dans le feu d’artifice final, certains disparaissent. Dire au revoir à certains d’entre eux est difficile. Ce sont des personnages qui ont accompagné le lecteur pendant des années et leur disparition n’est pas facile à vivre. J’ai eu le genre de sensation que j’ai connu en terminant des séries comme La Tour Sombre de Stephen King ou Autremonde de Tad Williams, deux séries dont la lecture s’est étalée sur plus d’une dizaine d’années. Un vrai pincement au cœur car c’est la fin d’un long voyage.
On retrouve dans les personnages de ce dernier volume tout ce qui faisait leur force dans les précédents. Les personnalités sont toujours bien marquées, chacun a ses ambitions et ses petits tracas. Certains de ces protagonistes auront fait un sacré chemin depuis le début de la série. Une évolution graduelle et parfois en de nombreuses étapes. Et toujours on a ces soldats qui se posent parfois des questions très sérieuses entre deux idioties. Erikson continue aussi et jusqu’au bout de proposer de la romance, toujours belle et parfois tragique.
Cet ultime volume est aussi l’occasion de parler de la divinité. Comment la définir ? Par extension, il est bien sûr question d’ascendance, un thème que l’on trouve tout le long de la série et que l’on voit véritablement en action. Avec The Crippled God, on comprend aussi enfin le nom de la série. On le sentait bien venir dans les volumes précédents, mais cette fois ça prend pleinement sens, de façon tangible, incontestable. Un peu comme l’écart qu’il y a entre prévoir un événement et le voir se produire réellement.
Une fois tournée la dernière page de The Crippled God, il n’est pas facile d’analyser mon ressenti. Je ressens comme une sorte d’aboutissement. J’ai parcouru dix épais volumes, suivi quantité de fils narratifs, rencontré une multitude de personnages et j’ai réussi à aller jusqu’au bout. J’ai donc un certain sentiment d’accomplissement. Mais il ne fut pas facile de tourner la dernière page et ça m’a demandé un moment pour me remettre d’être arrivé au bout. Au point que j’ai mis plusieurs mois à finir cette chronique.
Je termine aussi cette aventure bien loin de là où je l’avais commencé. En entamant Gardens of the Moon, je m’attendais évidemment à voyager et à une certaine grandeur, à quelque chose d’épique. Mais je ne pensais pas que tout serait sur une échelle qui dépassait largement mes attentes. Pourtant ces dernières n’étaient pas des plus faibles. On m’avait vendu cette série comme celle qui surpasserait toutes les autres. Celle qui deviendrait mon point de référence. Et je peux maintenant l’écrire sans le moindre doute, Le livre malazéen des glorieux défunts est la meilleure série de fantasy que j’ai lu et il sera bien difficile pour un autre auteur de la surpasser.
Le Dieu Estropié (the Crippled God)
de Steven Erikson
traduit par Nicolas Merrien
illustration de Steve Stone/Marc Simonetti
éditions Léha (Bantam/Tor)
environ 900 pages (grand format) environ 1200 pages (poche)
disponible en numérique chez 7switch
BAM ! Je pense que la conclusion te ta chronique pourrait servir dans l’arsenal promotionnel mis à disposition pour sa réédition FR !