Lorsqu’un auteur termine une série, il n’est pas rare qu’il revienne plus tard faire un tour dans cet univers, parfois même pour toute une nouvelle série. C’est ce qu’a fait Charles Stross avec son univers des Princes Marchands. L’auteur nous propose une nouvelle trilogie dont le premier volume, Empire Games, commence un peu plus de quinze ans après la fin de The Revolution Trade.
Dix-sept ans après l’attentat qui a ravagé Washington, les États-Unis ont basculé dans un régime policier, explorent les mondes parallèles et recherchent inlassablement les survivants du Clan. Dix-sept ans après l’anéantissement du Gruinmarkt, Miriam et ses alliés se sont installés dans le Nouveau Commonwealth Américain, renforcent ce dernier face à ses concurrents et se préparent pour le jour où les États-Unis les retrouveront. Et Rita Douglas, qui n’a rien demandé à personne, est coincée au milieu de tout cela.
Stross débute son ouvrage par un petit résumé de la situation. Ceci a l’avantage de permettre à un lecteur de lire cette nouvelle série sans passer par la précédente et de rafraichir un peu la mémoire des autres. Pratique encore trop peu répandue à mon goût et pourtant bien appréciable. L’intrigue de la précédente série se passant vers 2003, l’auteur a profité de cette nouvelle trilogie pour repartir légèrement dans notre avenir. Enfin, dans l’avenir de ces lignes temporelles différentes de la notre. L’évolution des États-Unis en état policier est assez logique et par moment pas très éloignée de ce que nous connaissons aujourd’hui. Stross interpelle clairement sur ces dérives par le biais de ce monde qui est un miroir assez fidèle du notre.
Il est aussi très intéressant de voir les changements qui se sont produits du côté du Nouveau Commonwealth Américain. Stross nous montre de quelle façon on peut faire évoluer rapidement un pays, en ayant une vision à long terme et des objectifs précis. Ceci permet de faire des choix politiques de façon éclairée, d’autant plus que la disponibilité de la littérature historique concernant notre monde permet aux décideurs d’éviter quelques embûches. La mise en application de cette politique passe parfois par des décisions qui peuvent sembler étranges mais qui sont pourtant des formes d’investissements très rentables à long terme. On verra ainsi la grande utilité du lave-linge.
Le récit se concentre sur Rita, qui va découvrir pas mal de choses et devoir faire face à de nombreux défis. On retrouve cependant quelques personnages de la série précédente, avec un certain plaisir. Du côté des nouveaux venus, j’apprécie beaucoup Kurt. Étant un ancien de la Stasi, il offre un point de vue intéressant sur les événements. Le texte est d’un volume équivalent à ceux des tomes de la série précédente, dans son découpage initial en six romans, et on voit pas mal de mise en place, le fil narratif de Rita étant celui qui progresse vraiment. Stross agence plutôt bien l’ensemble. On voit que chacun a ses intérêts personnels et une nouvelle fois on n’a pas un camp homogène pour chaque monde représenté. L’auteur se permet aussi quelques petites piques sur les créationnistes, scientologues et autres zozos du même acabit. Comme dans les Princes Marchands, il propose aussi quelques parties de son récit sous forme de retranscription de conversation, ce qui colle pas mal avec les scènes concernées.
Avec Empire Games, Stross signe son retour dans un des univers qu’il a précédemment exploré. J’y ai retrouvé pas mal de choses que j’appréciais dans les Princes Marchands. Mais on a aussi un changement de ton, du fait de la dérive autoritaire et policière des États-Unis. Ça résonne plutôt bien avec l’actualité et c’est la continuité logique de la série précédente. Ce premier volume d’une nouvelle trilogie installe plutôt bien les choses et j’attends maintenant la suite avec intérêt.
Empire Games
de Charles Stross
illustration de Neil Lang
éditions Tor
320 pages (moyen format)