La science-fiction et la fantasy sont des genres qui sont souvent associés à d’autres dans un récit. On peut ainsi avoir du roman policier de science-fiction, du roman d’initiation de fantasy, etc. J’ai déjà eu l’occasion de voir le mélange entre polar et fantasy avec la sympathique série Garrett de Glen Cook. Une autre approche, apparemment plus sombre, de ce mélange a été proposée par Daniel Polansky avec Le baiser du rasoir. Voyons un peu ce qu’il en est.
Basse-Fosse est le quartier sordide de la ville. Ici règne la loi des plus forts. Prévôt est l’un d’entre eux, il dirige un trafic de drogue et a tout vu, ou presque. Quand des enfants disparaissent, c’est un soucis, mais quand leurs cadavres sont retrouvés mutilés, Prévôt sait que pas un agent de la couronne ne bougera le petit doigt : il a été l’un d’entre eux. Alors il décide d’enquêter lui-même.
Ayant pour principal point de comparaison l’univers de Garrett, j’ai rapidement vu la différence. S’il y a des coins sordides dans la cité de Tonnefaire où officie le détective privé créé par Glen Cook et qu’on n’y rigole pas tous les jours, ça parait quand même un endroit plutôt sympathique comparé à Basse-Fosse. Le coin est violent et voir l’histoire par le point de vue de Prévôt n’arrange probablement pas les choses. Un peu comme avec Takeshi Kovacs dans Carbone modifié, quand le narrateur a une certaine accoutumance à la violence et un côté désabusé, cela rejaillit sur le récit.
La traque du tueur n’est pas inintéressante mais n’a au final rien de très surprenant non plus. Par contre, ce récit se fait en parallèle de retours sur le passé de Prévôt. Ces passages permettent de mieux cerner le personnage et ses relations avec les autres protagonistes. La découverte de ce quartier et de l’univers qui l’entoure est en fait plus emballante que l’enquête qui sert de fil rouge au récit. Tout ça semble d’ailleurs avoir pas mal de potentiel. Polansky ne détaille pas tous les éléments qu’il nous présente, ce qui permet de ne pas alourdir le récit et d’en garder un peu pour une suite éventuelle. La société que Polansky utilise comme décor peut aussi s’interpréter comme une critique de la société américaine actuelle.
Avec Le baiser du rasoir Daniel Polansky propose un mélange intéressant de polar et de fantasy. Si la résolution de l’intrigue n’a rien de fracassante, on retrouve assez bien certains codes du genre tout en étant dans un univers de fantasy sombre. Le livre se suffit à lui-même, mais la fin laisse la possibilité d’une suite, dans laquelle le narrateur risque de payer les conséquences de ses actes. Peut-être que j’y jetterai un coup d’oeil.
Le baiser du rasoir (The Straight Razor Cure)
de Daniel Polansky
traduit par Patrick Marcel
illustration de Fred Augis
éditions Bragelonne / Folio SF
377 pages (grand format) 466 pages (poche)
Disponible en numérique chez 7switch