La plupart des séries sont publiées par un même éditeur tout le long. Mais parfois, les aléas de l’édition font qu’une série change de maison en cours de route, voire qu’elle soit reprise depuis le début. C’est ce qui est arrivé à la série Nightrunner, de Lynn Flewelling. Initialement publié chez Mnémos, le premier volume de la série, Les maîtres de l’ombre, a été repris par Bragelonne qui a ensuite publié les tomes suivants.
Alec est un jeune homme accusé à tort d’espionnage. Alors qu’il croupit en geôle, attendant d’être torturé, il fait la connaissance de son camarade de cellule. Ce dernier est un espion authentique et parvient à les faire s’évader. Il propose alors à Alec de le prendre sous son aile et de lui enseigner son art.
Les maîtres de l’ombre est un livre de fantasy assez classique qui n’échappe pas à divers clichés du genre. L’intrigue est par moment assez convenu et certains personnages ne surprennent pas trop. C’est un ouvrage au volume de texte conséquent (dans les cent quatre-vingt mille mots) mais qui se lit assez rapidement, même si le milieu de l’intrigue est un peu mou. Au premier abord, rien qui ne justifie de s’y intéresser si on a déjà pas mal de lecture en stock. Et pourtant…
Ce premier volume de Nightrunner propose aussi quelques éléments que je n’ai pas forcément vu très souvent en fantasy. D’abord, on propose une plongée dans le monde de l’espionnage. Ceux qui s’intéressent au domaine savent que l’on n’a pas attendu 007 ni la CIA et que les nations pratiquent cette activité depuis les débuts de l’histoire. Et si l’on fait parfois un peu référence au sujet dans les ouvrages de fantasy, c’est plus en tant que détail ou explication à l’obtention d’une information utile à l’intrigue. Cette fois, on se penche vraiment sur les espions en tant que tels. Bon, on reste dans une certaine fantasy héroïque et on ne va pas non plus suivre la formation réaliste d’un analyste chargé d’éplucher des piles de communiqués pour tracer le portrait psychologique d’un dirigeant. La mise en avant de l’espionnage restant assez rare (à mon avis) dans la fantasy, voila un premier point d’intérêt.
Nightrunner est aussi une série qui s’intéresse au monde de la politique et de la géopolitique. Des sujets cette fois plus présents dans la fantasy, mais pas toujours traité correctement. Si on n’atteint pas ici le niveau d’un Steven Erikson, d’un George R. R. Martin ou d’une Jacqueline Carey, je trouve que Lynn Flewelling se débrouille quand même assez bien avec ces thèmes et livre une intrigue assez bien fichue. Enfin, elle dépeint un monde dans lequel l’homosexualité et la bisexualité semblent non seulement acceptées mais ne sont pas considérées comme des modes de vie à part.
Avec Les maîtres de l’ombre, la série Nightrunner commence plutôt bien. Le livre a ses défauts et ne fait pas partie des grands premiers volumes marquants (ces derniers étant quand même régulièrement suivi de deuxièmes volumes fort décevants) mais il apporte suffisamment d’éléments originaux et bien mis en scène pour me donner envie de donner sa chance au volume suivant. Et vu mon humeur sur les séries ces derniers temps, c’est déjà pas mal.
Les maîtres de l’ombre (Luck in the Shadows)
de Lynn Flewelling
traduit par Agnès Boclet-Richter
illustration de Miguel Coimbra
éditions Bragelonne / Milady
542 pages (grand format) 639 pages (poche)
Disponible en numérique chez 7switch