Parmi les (nombreux) ouvrages dont la chronique végète dans la case “à finaliser un jour” il y a Empire in Black and Gold, premier volume de la série de fantasy Shadows of the Apt écrite par le britannique Adrian Tchaikovsky. Cette série reste, pour le moment, inédite en français mais l’auteur se fait connaître chez nous par l’un de ses romans plus récents : Dans la toile du temps. La version originale, Children of Time, traînant quelque part dans la bibliothèque je me suis décidé à m’y lancer.
L’humanité part à la conquête des étoiles. Les planètes habitables n’étant pas exploitables directement, on peut les terraformer. L’un des projets entamés vise ensuite à déposer sur la planète une colonie de singes accompagnée d’un virus artificiel qui provoquera une élévation de l’espèce. Une fois cette dernière accomplie, l’humanité pourra venir s’installer sur ce nouveau monde, tel des dieux descendus des cieux. Sauf que les choses ne se passent pas toujours comme prévu.
Pour commencer, je vais dire un peu de mal. Pas du livre en lui-même, mais de l’idée de départ. Terraformer une planète et lui installer une faune, pas de soucis. Par contre jouer à l’élévation non supervisée pour ensuite espérer être accueilli en dieu par des singes, comment dire… Il faut être passablement naïf, pour ne pas dire un peu con sur les bords, pour croire que cela va bien se passer. Donc très humain en fin de compte. Le plan du docteur Kern est très humain, destiné à se vautrer. Et si on imaginait une seconde que l’écueil du début du récit qui en provoque toute la suite n’avait pas lieu, je ne vois pas comment ce plan aurait pu tourner autrement qu’à la catastrophe. Mais c’est parfois cela qui rend les choses intéressantes.
Il est donc tout de même question d’élévation dans cet ouvrage, même si ce n’est pas celle prévue au début. La référence à l’œuvre phare de David Brin est évidente et Tchaikovsky l’assume totalement. Le livre va donc faire régulièrement des bonds dans le temps, permettant ainsi de voir de quelle façon la vie évolue sur le Monde de Kern. Et c’est passionnant à lire. A chaque époque on suit une nouvelle fournée de personnages qui portent cependant toujours les mêmes noms, comme si on retrouvait une nouvelle incarnation des précédents. Et à chaque fois, on voit comment l’espèce principale que l’on suit évolue. Quel nouveau défi se présente à la société et de quelle façon cette dernière s’adapte pour y faire face.
Le récit a un bon rythme. On reste suffisamment dans chaque époque pour avoir le temps d’apprécier chaque nouvelle étape de l’évolution, mais pas trop longtemps pour s’y ennuyer. A chaque étape, Tchaikovsky propose des idées intéressantes. Outre l’hommage à David Brin et une petite inspiration du côté de Vernor Vinge et son Au tréfonds du ciel, je trouve aussi dans cette ouvrage une certaine parenté avec Stephen Baxter. D’abord parce que le thème de l’évolution est récurrent, voire central, à son œuvre. Ensuite parce que la structure du roman, découpé en parties séparées de laps de temps assez conséquents, se rapproche d’un certain nombre des œuvres de Baxter : Évolution évidemment, mais aussi des ouvrages comme Coalescence, Accrétion ou les diptyques Déluge/Arche et Proxima/Ultima. Je constate aussi que le portrait qui est fait de l’humanité n’est pas plus glorieux chez l’un que chez l’autre : notre espèce n’a pas besoin d’aide pour retomber rapidement dans ses pires travers. Enfin parce que l’on sent une certaine ambition dans les idées proposées. Tchaikovsky n’a visiblement pas envie de se cantonner à l’écriture d’histoires simples et sympathiques.
J’ai été très emballé par Dans la toile du temps. Tchaikovsky livre un ouvrage de SF ambitieux et plein d’idées intéressantes sans oublier d’avoir une intrigue et sans trop de temps mort. Un livre qui flirte un peu du côté de la hard science tout en étant accessible. En résumé, Dans la toile du temps montre qu’Adrian Tchaikovsky est peut-être l’un des héritiers littéraires de Stephen Baxter. En tout cas, je compte vivement m’intéresser à ses autres ouvrages de SF.
Dans la toile du temps (Children of Time)
d’Adrian Tchaikovsky
traduit par Henry-Luc Planchat
illustration de Gaëlle Marco
éditions Denoël
592 pages (format moyen)
Quoi ? Herbefol qui aime un livre récent, qui plus est un qui est plébiscité par tout le monde ? Rendez-nous le vrai Herbefol ! =P
Ne t’emballes pas trop quand même, ce n’est pas un auteur francophone et ce n’est pas publié chez un petit éditeur. 😛
Et puis c’est pour moi dans la droite lignée de Stephen Baxter, comment cela pourrait-il ne pas être bien ? 🙂