Suivant un peu l’actualité éditoriale anglophone, j’entends parfois parler d’ouvrages longtemps avant de les voir débarquer dans les rayons francophones. C’est ce qui s’est passé pour La marque du corbeau, premier volume de la série Blackwing du britannique Ed McDonald. Ce roman a bénéficié d’une promotion assez soutenue de l’autre côté de la Manche. Voyant qu’il devait sortir aussi en français, j’ai décidé de m’y intéresser. Voyons un peu ce que cela donne.
Ryhalt Galharrow et son équipe parcourent la Désolation à la recherche de renégats, mais la zone n’est pas qu’un no man’s land contre les Rois des profondeurs et Galharrow va se retrouver entraîné dans une affaire bien plus complexe et qui menace peut-être sa cité.
Dès le début, McDonald nous peint un monde pas très joyeux où le personnage principal et narrateur accomplit les basses œuvres des maîtres de sa ville. Il est là pour traquer et éliminer et ne fait pas trop tâche dans le paysage. En avançant dans le récit, on verra vite que l’on est dans un monde qui vit dans un état de conflit larvé, comme une sorte de guerre froide.
L’univers dans lequel vit Galharrow se dévoile petit à petit au fil du récit. McDonald gère assez bien sa distribution d’information sans trop en donner en une fois. Si on aime bien connaître en détail tous les ressorts d’un mécanisme on pourra être un peu frustré que l’auteur ne nous en dise pas plus sur certains éléments, mais je pense qu’il ne manque rien pour profiter pleinement de l’histoire qu’il propose. Par certains aspects, ce roman me rappelle les œuvres de Glen Cook. Le côté “région dévastée par un interminable conflit” m’évoque un peu sa série Garrett mais c’est surtout à la Compagnie Noire que je pense. On sent planer en permanence l’ombre de figures puissantes, mystérieuses et à la longévité sans mesure. Voici qui rappelle aisément les Asservis.
McDonald propose aussi son système de magie. Ou plus exactement il en présente un de façon un peu détaillé tout en laissant clairement voir qu’il en existe d’autres. On sent que l’auteur a essayé de trouver quelque chose d’un peu original à présenter et il s’en sort pas trop mal à ce niveau. J’apprécie entre autre le fait d’avoir proposé un système où la “magie” est gérée comme une technologie. On voit aussi l’impact de cette magie sur la société qui l’utilise et le coût humain qu’elle implique. Dans l’ensemble, les magies de toutes sortes laissent quand même une impression de danger et d’inconnu qui rappelle aussi assez bien l’œuvre phare de Cook.
Avec la Désolation, McDonald s’offre aussi un terrain de jeu qui lui permet de proposer quelques créations étranges. Certaines échappent même à la compréhension de Galharrow qui parcourt pourtant le terrain depuis des années. Une fois de plus, je ne peux pas m’empêcher de penser à Cook et en particulier à la Plaine de la Peur que l’on découvre largement dans La Rose Blanche. Notre narrateur n’est pas toujours sûr de comprendre les règles du monde dans lequel il vit et on le ressent assez bien, tout comme le malaise que provoquent certains des serviteurs des Rois des profondeurs.
Le personnage de Galharrow est évidemment le plus développé et assez bien fichu. On est un peu dans le stéréotype du gars qui en a un peu trop vu, un peu trop fait et revenu d’un peu tout. Blasé, capable de faire son boulot sans état d’âme, etc. Bref, une bonne recrue pour… La Compagnie Noire. Au fur et à mesure du récit, on plonge un peu dans son passé et si le chemin qui le mène à son état présent n’est pas d’une folle originalité c’est néanmoins assez cohérent. Les personnages qui l’entourent sont un peu moins développés mais assez intéressants et surtout donnent envie de les revoir dans un volume suivant.
McDonald démarre son histoire assez rapidement et arrive à maintenir un certain rythme tout au long, sans non plus fatiguer le lecteur avec de l’action non-stop. Le volume de texte n’est d’ailleurs pas très important, dans les cent vingt mille mots, ce qui est plutôt court suivant les standards du genre. La fin du bouquin lorgne un peu du côté du deus ex machina ce qui est assez cohérent avec le reste du récit.
Avec La marque du corbeau, Ed McDonald réussi bien son lancement dans le paysage de la fantasy. J’y trouve un bel héritage de Glen Cook, assez bien intégré. L’univers est intéressant, le personnage principal emballant et le récit assez rythmé tout en se limitant un peu au niveau du volume de texte. Je ne sais pas trop si cette série se limitera à une trilogie ou pas, mais pour le moment je compte bien lire la suite.
La marque du corbeau (Blackwing)
d’Ed McDonald
traduit par Benjamin Kuntzer
illustration de Mikael Bourgoin
éditions Bragelonne
380 pages (grand format)
disponible en numérique sur 7switch