Il n’y a pas très longtemps, je disais le bien que je pense de Evil for Evil, le deuxième volume de la Engineer Trilogy de K. J. Parker. Et comme prévu, je n’ai pas attendu trop longtemps avant de me lancer dans la lecture du dernier tome, intitulé The Escapement.
Une nouvelle fois Ziani Vaatzes a échappé aux forces de la cité de Mezentia. Si cette survie a en partie coûté son royaume au duc Valens, ce dernier est néanmoins maintenant allié à une tribu barbare aux effectifs et au potentiel destructeur impressionnants. La dynamique semble renversée et l’orgueilleuse métropole se prépare à un siège, expérience totalement nouvelle pour ses habitants.
Ce troisième et dernier volume démarre plutôt bien et je replonge assez aisément dans cet univers. Je retrouve évidemment tout ce qui fait la plume de K. J. Parker. Son amour du détail, les errances intérieures des personnages, etc. L’une des récurrences de cette trilogie, que je n’avais peut-être pas soulevé avant, est l’écriture de lettres. Divers protagonistes s’échangent des courriers, qui ne sont pas sans importance sur l’évolution du récit. La petite chose intéressante de Parker sur ce point, c’est de montrer la façon dont les personnages rédigent ces lettres. Les formulations sur lesquelles ils hésitent, l’incertitude sur le fait de bien transmettre sa pensée, etc.
Assez logiquement, The Escapement propose plus d’événements du côté de Mezentia. La ville n’a jamais vraiment connu la guerre à ses portes et doit tout apprendre à ce sujet. D’autant plus que suite aux deux précédents volumes, les mercenaires ne se pressent plus pour servir la cité, quelque soit le tarif que serait prêt à payer cette dernière. Il faut donc se former sur le tas à l’art de la guerre et en particulier à la poliorcétique. Quand on n’a pas de maître pour vous transmettre un savoir, il est utile d’avoir une bibliothèque convenablement garnie à portée de main. On verra ainsi comment on peut se reposer sur un ouvrage bien pratique. Cet ouvrage soulève d’ailleurs certaines contradictions avec le cadre de l’histoire, ce que Parker n’esquive pas et utilise au contraire avec une certaine réussite.
Tout comme les deux précédents épisodes, The Escapement parle de guerre et Parker est toujours aussi pointue dans son décorticage du phénomène. La logistique reste évidemment le grand paramètre du problème et ici c’est peut-être encore plus déterminant qu’auparavant. La victoire ne tient pas tant à la réussite dans une bataille que dans la capacité à nourrir son armée. On voit aussi toute la difficulté qu’il y a à avoir défini une stratégie claire pour ensuite arriver à s’y tenir face aux critiques que le déroulé des événements, agrémenté d’impondérables, ne manque pas de susciter. Savoir gagner un conflit, c’est parfois plus savoir être diplomate avec ses propres forces que guerrier avec celles de l’adversaire. Enfin, on retrouve un “soldat” qui découvre le vrai visage de la bataille : c’est le bazar, il ne voit rien, ne comprend pas où il est, ce qu’il fait, qui il a face à lui, etc. Bref, une nouvelle fois, Parker brosse un portrait détaillé et réaliste (chose bien rare en fait dans l’imaginaire) de ce qu’est un conflit, du champ de bataille vu par un soldat jusqu’à l’échelle stratégique du dirigeant.
Parker manie toujours bien ses personnages. Certains ont conscience que ce qu’ils font n’est pas bon et que ça va mal finir mais ils le font quand même. D’autres se réjouissent un peu honteusement de diverses horreurs parce qu’en fin de compte ça leur facilite la vie. On a la conscience de se conformer à un modèle, une image à laquelle on essaie de coller, etc. C’est particulièrement le cas de Miel Ducas, personnage avec lequel on est presque au théâtre d’une certaine façon. J’ai apprécié plusieurs passages où un personnage tente de comprendre comment il en est arrivé là, reconstruit des souvenirs récents, etc. Parker arrive à donner à ses personnages une humanité bien palpable.
Ce dernier volume voit (heureusement) l’intrigue de fond se décanter. On perçoit enfin qui sont les différents marionnettistes, ainsi que le degré de liberté parfois limité dont ils disposent. Le point de départ du récit fini par s’expliquer. Ce troisième tome confirme aussi l’absence d’élément magique ou fantastique et franchement ça fonctionne très bien comme ça. A la fin, on a un petit côté “tout ça pour ça”, ce qui rapproche un peu cette trilogie des deux précédentes. En fin de compte, Parker semble beaucoup écrire sur le caractère dérisoire des êtres humains.
Avec The Escapement, K. J. Parker termine sa troisième trilogie. Je dois reconnaître qu’il y a dans celle-ci, tout comme dans les deux précédentes, des longueurs dont on pourrait tout à fait se passer. Mais Parker fait partie de ces quelques auteurs dont je lis toujours la plume avec plaisir, que ce qu’elle raconte soit vraiment utile au récit ou pas. Cette trilogie confirme une fois de plus tout le bien que je pense de l’auteur. Je vais maintenant pouvoir me lancer dans les divers romans indépendants qu’elle a écrit après, en commençant par The Company.
The Escapement
de K. J. Parker
éditions Orbit
environ 570 pages (poche)
Un jour je lirais ça, un jour xD (le premier tome est perdu dans ma PAL depuis des années …)
Merci de m’y refaire penser en tout cas, et en bien 😛
Si tu as apprécié les deux précédentes trilogies de l’auteur, ça ne devrait pas te poser de soucis. 😉
Il est vrai que ça occupe un moment comme lecture, Parker écrit des livres assez denses. Surtout avec cette trilogie qui doit contenir ses romans les plus volumineux. :p