Il y a peu, j’ai parlé de American Elsewhere de Robert Jackson Bennett, l’un des premiers ouvrages de la nouvelle collection Imaginaire des éditions Albin Michel. Cette fois, je vais m’intéresser à leur premier titre de fantasy : Mage de bataille de Peter A. Flannery. L’ouvrage étant assez volumineux en anglais, l’éditeur a choisi de le couper en deux. Les deux volumes sortant de façon décalée, cette chronique portera sur le premier.
Les mages de bataille sont le dernier rempart contre les Possédés. Pratiquant la magie de façon plus instinctive que les thaumaturges, ils sont surtout liés aux dragons qui les accompagnent au combat. Mais la folie qui prend parfois les dragons peut aussi contaminer le mage de bataille. C’est ce qui est arrivé au défunt père de Falco Danté. Hébergé par un mage de bataille à la retraite, le jeune garçon vit avec sur la conscience le poids des fautes de son père. Mais les Possédés se rapprochent de la cité et un nouveau mage de bataille doit venir défendre ses habitants.
A la simple lecture de la carte en début de volume on sent qu’on est dans la fantasy bien affirmée : sept royaumes se partageant un continent dont une partie semble occupée par une force ténébreuse. Les premiers chapitres confirment l’impression : magie, guerriers, forces maléfiques, etc. Des éléments bien classiques sont clairement visibles. Classique est peut-être justement le mot qui qualifie le mieux l’ouvrage. L’univers est classique, les personnages sont classiques, l’intrigue est classique. Flannery n’invente rien, il réinterprète simplement à sa sauce une recette déjà mille fois servie. Ce qui n’est pas vraiment surprenant puisque l’éditeur présente clairement l’ouvrage comme visant un public débutant en fantasy. On est dans la lignée d’auteurs comme Feist.
Mage de bataille est-il cependant aussi lisible par le lecteur plus chevronné dans le genre ? Cela dépend beaucoup de ce que le dit lecteur en attendra. S’il s’agit de s’offrir une séance de déconnexion du cerveau et de profiter d’un peu d’action assez bien écrite, cela remplira son office. Par contre, le lecteur fatigué par le steak-frites de la fantasy risque sérieusement de grincer des dents. Le schéma narratif reste terriblement classique et sans surprise. Les personnage sont très archétypaux et même parfois réduits à une simple fonction. Les héros apprennent en deux jours des choses qui demandent en réalité des mois voire des années de pratique (sauter d’un cheval avec roulé-boulé sans rien se péter par exemple). L’univers est totalement transparent dans ses inspirations et n’est qu’une n-ième version d’un monde se limitant à l’Europe occidentale du moyen-âge. Ce monde en conflit ne semble pas trop concerné par la logistique (à l’inverse d’une K. J. Parker). Et vu les temps de parcours, les contrées représentées doivent à peine dépasser la taille de quelques départements, l’ensemble du continent doit à peine atteindre la taille de la France. Et on n’échappe pas à une des choses que je déteste le plus : les dialogues artificielles pour introduire des éléments qui devraient pourtant être déjà connus de tous les personnages.
Flannery écrit de façon assez fluide et on peut se laisser intriguer par les deux-trois petits mystères qu’il sème, même si ces derniers n’ont rien de surprenant (on cacherait la vérité sur les dragons, quelle surprise !) Personnellement, j’ai plié le volume rapidement et je me suis un peu pris de sympathie pour le personnage de Mérédith qui va un peu à contre-courant de ce qu’on lui enseigne et qui cherche à comprendre par lui-même les choses. Un profil de personnage que je peux difficilement détester.
Bref, ce Mage de bataille peut constituer une entrée dans le genre pour de nouveaux lecteurs, mais on pourra aussi y préférer d’autres titres un peu moins bourrés d’éléments classiques. Pour les lecteurs plus confirmés et/ou exigeants, il faudra peut-être passer son chemin, sauf si on peut passer en mode “cerveau déconnecté” (le niveau de suspension d’incrédulité à consentir est parfois très élevé). La coupure en deux volumes n’est pas des plus heureuses, ce premier tome se terminant sans tension particulière, ce qui n’incite pas forcément à se jeter sur la suite. En soi, la lecture est assez plaisante mais j’oublierai probablement ce livre assez rapidement une fois lu la deuxième moitié.
Mage de bataille – tome 1 (Battle Mage)
de Peter A. Flannery
traduit par Patrice Louinet
illustration d’Alain Brion
éditions Albin Michel
537 pages (grand format)
disponible en numérique chez 7switch
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