J’ai entamé la collection Une Heure Lumière des éditions Le Bélial avec la novella L’homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu. L’auteur avait déjà été publié en France par le même éditeur avec le recueil La ménagerie de papier. Bien que j’ai ce livre dans un coin de ma bibliothèque depuis un moment, c’est vers un autre ouvrage et un autre genre que je me suis finalement orienté pour lire à nouveau du Ken Liu. Je me suis donc lancé dans la lecture de The Grace of Kings, qui est finalement paru en français sous le titre La grâce des rois.
L’empereur Mapidéré a conquis les différents royaumes qui lui faisaient concurrence et a imposé un régime impitoyable auquel tous doivent se plier. Mais nul n’est éternel et sa disparition est l’occasion rêvée pour tous de tenter de prendre le pouvoir.
La base de The Grace of Kings est assez classique : un empire, un empereur qui disparaît, une rébellion qui se réveille et une guerre civile qui ravage le pays. Qu’est-ce qui permet à Ken Liu de se singulariser un peu par rapport à la concurrence ? D’abord le décor. L’univers que propose l’auteur a une claire inspiration extrême-orientale, en particulier chinoise. Cependant, il évite le simple calque maladroit où tous les éléments ou presque viennent en droite ligne d’une culture historique réelle. Cela lui permet d’avoir un univers qui évoque certaines de nos civilisations mais qui conserve son originalité.
Ensuite, Ken Liu propose des personnages hors normes. Au point qu’ils semblent parfois plus échapper d’un conte que d’un roman “ordinaire”. Ce n’est pas aussi exacerbé que dans La magnificence des oiseaux de Barry Hughart, mais les protagonistes de ce récit sortent quand même sacrément de l’ordinaire. En particulier Mata qui a tout du guerrier imbattable, quasiment capable de terrasser une armée à lui seul. L’auteur sait aussi leur donner des caractères bien marqués qui les rend délicieux à suivre, même si parfois j’en déteste certains aspects. Un des personnages me paraissait d’ailleurs franchement ridicule par moment avec son obsession sur la “noblesse”.
Le monde que propose Ken Liu ne semble pas vraiment connaître la magie, par contre on y voit clairement des innovations technologiques. Ces dernières sont d’ailleurs l’une des composantes de la guerre. La façon dont l’auteur met en scène son conflit est un peu simple par certains aspects, mais est au contraire bien construit et crédible par d’autres côtés. Non seulement la guerre s’y joue autant sur le plan diplomatique et politique que militaire, mais le côté logistique n’est pas négligé. Les effectifs que l’on peut voir aligner sur un bout de papier ne correspondent pas aux forces que l’on peut déployer sur un champ de bataille. Le conflit ne se termine pas vraiment par une bataille décisive mais de façon un peu décousue. Bref, si la mise en scène de la guerre que fait Ken Liu est probablement moins réaliste que ne le fait K. J. Parker je pense qu’il est tout de même dans le haut du panier.
S’il n’est pas question de magie dans cet ouvrage on y trouve par contre des dieux. Les agissements des mortels ne semblent pas toujours totalement libres. Sans être véritablement contrôlés par des entités divines, on voit tout de même que les humains sont soumis à leur influence. Le jeu entre les dieux est intéressant, avec ses règles que les participants essaient de contourner. Ainsi, les dieux ne peuvent pas intervenir directement mais simplement communiquer d’une façon ou d’une autre des conseils, des encouragements, etc. à leurs poulains. Avec parfois la surprise de voir ces derniers faire autre chose que ce que ces “sages” divinités tentent de leur suggérer. J’ai bien aimé cette façon d’utiliser les dieux, qui permet entre autres de ne pas rendre ridicule les improbables rencontres avec des gens plein de sagesses et autres coïncidences parfois un peu trop pratiques.
The Grace of Kings est un roman assez épais, près de deux cent mille mots en anglais. Pourtant, Ken Liu ne perd pas trop de temps en péripéties annexes. L’intrigue avance assez rapidement et il se passe beaucoup de choses dans ce livre. Au point qu’un autre auteur en aurait peut-être fait deux romans séparés. Mais un peu à l’égal de Steven Erikson, Ken Liu propose ici un roman complet avec une intrigue principale qui présente un semblant de fin une fois l’ouvrage terminé. On n’a donc pas besoin de se jeter avec impatience sur la suite, chose que j’apprécie de plus en plus.
Avec The Grace of Kings Ken Liu propose son premier roman et je trouve qu’il s’en sort bien. L’univers est suffisamment original à mon goût, les personnages donnent envie de les soutenir ou de les détester et l’histoire avance assez rapidement avec divers rebondissements. Ceci est accompagné d’idées intéressantes et d’un minimum de réflexion dans la mise en place. Tout ça sous une couverture assez jolie qui est d’ailleurs reprise dans la version française. Par contre la mise en page de cette dernière semble complètement délirante, deux cents pages de plus que la version originale alors que cette dernière n’a pas une mise en page particulièrement serrée. Le volume suivant, The Wall of Storms (Le mur des tempêtes), ayant quarante pourcents de texte en plus je suis curieux de voir ce que l’éditeur français en fera.
La grâce des rois (The Grace of Kings)
de Ken Liu
traduit par Élodie Coello
éditions Fleuve Noir
840 pages (grand format)
Tu es sûr de ton coup pour La ménagerie de papier en « Lunes d’encre » ? Prie pour qu’Olivier ne voie pas ton papier… 😉
Hmmm… ? Quoi ? Lunes d’encre ? C’est quoi ça Lunes d’encre ? Je connais pas Lunes d’encre. Ça n’existe pas Lunes d’encre. Je ne connais que les Lunes en papier de Malraux. :p
Plus sérieusement, je crois que j’ai confondu avec un autre recueil, Infinités de Vandana Singh, qui lui est bien sorti chez Lunes d’encre. 🙂
Le simple fait que ça se passe dans un empire chinois me suffit pour éveiller ma curiosité ^^