La nouvelle collection d’imaginaire des éditions Albin Michel propose ce mois-ci un space opera écrit par l’américaine Kameron Hurley. J’avais déjà vu passer ce roman sur les sites anglophones et il m’avait un peu intrigué, principalement par son titre. Son arrivée en français était donc une bonne occasion de s’y lancer.
Zan vit sur une sorte de vaisseau-monde organique, au milieu d’un essaim de structures de même nature. Elle sert la seigneure de son monde et doit pour son compte prendre le contrôle de la Mokshi : le seul monde capable de quitter l’essaim. Son problème : elle n’en est pas à sa première tentative et a perdu à chaque fois la mémoire.
Hurley propose un univers assez étrange au lecteur et pour l’aider à s’y faire utilise un vieil artifice : le personnage amnésique. Ce n’est pas très original mais ça le mérite d’être efficace et toujours moins pénible que les dialogues artificiels et sans crédibilité. Cependant, on sombre aussi parfois dans le “ok je t’ai menti parce que tu es amnésique mais maintenant je dis la vérité”. A travers Zan, on découvre donc ce monde étrange, quasi-totalement organique. Et c’est plutôt bien fichu et assez détaillé, les descriptions donnant un côté parfois un peu glauque. On ressent assez bien le côté environnement à la dérive. Ce récit à la première personne se double d’un second, offrant ainsi une autre perspective sur les choses, en particulier sur tout ce qu’ignore Zan/ce dont elle ne se souvient pas.
J’ai eu un peu de mal avec certaines descriptions, notamment tout ce qui concerne les combats “spatiaux”. D’une part, je n’ai pas réussi à me faire une représentation de ce qu’il se passait quand on s’attaque à un monde, la description étant vague au possible. D’autre part, j’ai eu un peu l’impression que les lois de physique et en particulier l’inertie passaient légèrement à la trappe dans ces moments là. J’ai aussi eu de nombreuses interrogations sur un tas de choses : d’où viennent ces mondes et leurs habitantes ? Qu’est-ce qui y génère de la gravitation ? etc. Et je n’ai eu de réponse à… rien. L’ouvrage n’est clairement pas pour ceux qui aiment les explications, il n’y en a pas une seule. Personnellement, cela me frustre un peu.
J’ai aussi trouvé que la fin de l’intrigue était expédiée un peu rapidement, comme si l’auteur avait fini par trouver le temps long et voulait en finir à tout prix à ce moment-là. Et à peu près aucun personnage n’a réussi à s’attirer ma sympathie.
D’après l’éditeur et certains lecteurs, l’ouvrage aurait un aspect féministe intéressant. J’ai l’impression de ne pas avoir la même définition de la chose. Certes, l’ouvrage ne contient que des personnages féminins, mais ça me paraît un peu pauvre comme argument pour en faire un ouvrage féministe. Ça n’incite jamais le lecteur à se poser de question ou à se remettre en cause à ce sujet. S’il y avait vraiment une volonté de l’auteur de traiter du sujet, je pense qu’elle est passé complètement à côté.
Les étoiles sont légion est un space opera un peu surprenant, qui ne correspond pas à grand chose de ce que j’en attendais : au vu du titre j’espérais quelque chose avec un empire galactique, ce style de truc. En soit ce n’est pas un mal, ça aurait même pu être une très bonne surprise. Mais je trouve l’ouvrage empreint d’un peu trop de défauts à mon goût pour me donner la moindre envie d’y retourner. Bref, ce roman peut être intéressant à lire, pour son côté organique, mais je n’y ai pas trouvé grand chose d’autre d’emballant.
Les étoiles sont légion (The Stars are Legion)
de Kameron Hurley
traduit par Gilles Goullet
illustration de Manchu
éditions Albin Michel
416 pages (grand format)
disponible en numérique chez 7switch
J’ai eu en très grande partie le même ressenti, notamment sur le soi-disant aspect féministe. Excellente critique !