Petit à petit, je continue mon exploration de la collection Une Heure-Lumière des éditions du Bélial. Après Ken Liu et son L’homme qui mit fin à l’histoire, le Cérès et Vesta de Greg Egan et Cookie Monster par Vernor Vinge, je tente une nouvelle auteur avec Un pont sur la brume de Kij Johnson.
Kit Meinem d’Atyar est architecte et on lui a confié le plus grand défi qui soit : construire un pont sur le fleuve de brume qui coupe l’Empire en deux.
Dès le titre, l’ouvrage m’intriguait. S’agissait-il de jouer sur une image ou était-il vraiment question d’un pont au-dessus d’un fleuve de brume ? On ne reste pas dans le mystère bien longtemps puisque l’enjeu est rapidement posé. C’est l’un des avantages des novellas : l’auteur ne peut pas perdre trop de temps pour mettre en place les différents éléments.
L’absence de pont sur ce fleuve avait une incidence forte sur le fonctionnement de l’empire et toute une série de communautés se sont formées le long du fleuve pour permettre de faire transiter personnes et marchandes grâce à des passeurs. La construction de ce pont est donc un moteur de changement puissant. Changement à petite échelle chez tous les gens que Kit côtoie le temps du chantier. Ceux qui vivant du passage en barque devront changer de métier alors que le volume de voyageurs et de marchandises amené à passer par l’endroit va fortement croître. Changement aussi à grande échelle puisque les liens entre les deux parties de l’empire vont forcément évoluer : la partie qui était séparée de la capitale par le fleuve va perdre en autonomie.
L’univers que propose Kij Johnson est intéressant par l’étrangeté de cette brume. Ce fleuve, sa faune et sa flore sont bien évidemment un mystère pour le lecteur mais aussi pour le principal protagoniste du récit. Et on sent bien la fascination qu’exerce cette chose sur Kit. La novella dure le temps de la construction de l’ouvrage et pendant ce temps on voit l’évolution des relations de Kit avec la communauté locale et de la façon dont la brume y intervient, comme un personnage à part entière, une entité de plus parmi celles entre lesquelles se tissent ces relations.
Jusqu’ici j’ai surtout lu dans la collection Une Heure-Lumière des textes de SF qui s’appuient sur des idées précises pour développer un récit et une réflexion. Avec Un pont sur la brume, j’ai eu droit à un texte qui se rapproche plus de la fantasy (de mon point de vue) et qui s’intéresse surtout à la création d’une ambiance et à observer des relations entre personnages. Et j’ai bien apprécié ce texte. Johnson a vraiment su me charmer avec ses personnages et son ambiance. C’est donc une nouvelle réussite pour la collection et je compte bien m’intéresser à un autre texte de Kij Johnson publié par l’éditeur : La quête onirique de Vellitt Boe.
Un pont sur la brume (The Man Who Bridged the Mist)
de Kij Johnson
traduit par Sylvie Denis
illustration d’Aurélien Police
éditions Le Bélial
124 pages (poche)
disponible en numérique sur 7switch
Aux yeux de Kij Johnson, « Un pont sur la brume » n’est justement pas de la fantasy (pas de magie) ; elle s’en explique brièvement dans l’interview à la fin de « La Quête onirique de Vellitt Boe » 😉
Des trois composantes de l’imaginaire c’est pourtant celle à laquelle je rattache l’ouvrage le plus facilement. Mais la magie ne me parait pas nécessaire pour définir la fantasy. D’ailleurs certains des bouquins de fantasy de K. J. Parker (notamment la Engineer Trilogy) n’en contiennent pas une goute. 🙂
Son seul classement nécessaire, c’est dans les excellents livres. =D
J’avoue que j’aurais bien aimé avoir plus de géants et savoir ce qu’il y avait sous la brume ^^