A chaque nouvel épisode de sa série La Laverie, Charles Stross a su trouver de quoi me faire plaisir, en enrichissant progressivement son univers et aussi en le faisant vraiment évoluer. Voyons un peu si la magie opère toujours avec le huitième volume, The Delirium Brief.
Suite aux événements de The Nightmare Stacks, les agissements de la Laverie sont maintenant connus du grand public et du pouvoir politique. L’agence doit donc communiquer dans les médias tout en essayant de ne pas se faire sabrer par le gouvernement : Bob Howard a du pain sur la planche.
C’est agréable de retrouver Bob, même si son temps de “présence” est plus réduit qu’auparavant. Le récit à la première personne ne doit maintenant pas concerné plus de la moitié du volume de texte, le reste étant éclaté entre d’autres points de vue. On sent que Bob a été fort occupé depuis sa dernière apparition. Fidèle à lui-même, il n’apprécie pas tellement la nouvelle fonction qu’on lui a attribué : s’exprimer dans les médias. Il se voit clairement comme une victime expiatoire. Heureusement pour lui, ayant pris du galon il peut aussi déléguer certaines tâches, ce qui n’est pas toujours facile quand on n’en a pas l’habitude.
Cette confrontation avec les médias, et derrière avec le pouvoir politique, est intéressante. Stross a une approche pas très optimiste et probablement réaliste de la question. On peut d’ailleurs constater que certains des personnages politiques qu’il met en scène ont une certaine ressemblance avec des personnes réelles. Depuis quelques volumes, l’auteur en profite clairement pour régler ses comptes avec la direction de son pays. C’est encore plus flagrant cette fois. Les voisins d’Outre-Atlantique en prennent aussi pour leur grade.
J’ai beaucoup apprécié dans les derniers volumes de voir que l’univers de la série évolue véritablement. Cet opus en apporte une nouvelle fois la preuve et Stross franchit un palier supplémentaire. J’ai par moment eu la sensation qu’on passait un point de non retour et si on sent depuis un moment que rien ne sera plus comme avant pour Bob, Mo et leurs collègues, The Delirium Brief marque un changement vraiment important puisqu’une grande partie du voile de secret qui cachait l’existence de la Laverie et de ses activités est parti en fumée.
Ce nouvel épisode est comme les précédents l’occasion pour Stross d’amener quelques nouveautés mais elles sont cette fois assez limitées et l’auteur va au contraire ressortir de sa besace divers éléments de certains des précédents volumes. Certaines “retrouvailles” n’enthousiasment pas Bob, ce n’est rien de le dire. J’ai aussi apprécié de voir de quelle façon l’auteur et les personnages utilisent les questions de loyauté. On a là un bel exemple de lecture et interprétation des petits caractères du contrat.
Derrière l’humour que l’auteur sème depuis le début de sa série, on sent bien qu’au fond tout ça est surtout pavé de désespoir. Et The Delirium Brief enfonce encore un peu plus le clou à ce sujet. Les personnages sont clairement face à des choix où la “bonne” solution n’existe pas. Ce qui les mènent à prendre des décisions ou agir de façon qu’ils réprouvent tout en étant incapable de faire autrement. Et on sent bien que Bob ne vit pas la meilleure époque de son existence.
Avec The Delirium Brief, Charles Stross propose la suite logique de sa série, encore plus désespérant que je ne le pensais. Et rien que pour ça, le volume suivant, The Labyrinth Index, s’annonce intéressant. Vivement que je le lise.
The Delirium Brief
de Charles Stross
éditions Orbit/Ace
environ 440 pages (format moyen)