K. J. Parker fait partie de mes valeurs sûres. Après une dizaine de romans (dont le dernier chroniqué était The Company) et une novella, je n’ai pas encore été déçu par l’auteur. Je continue donc mon parcours à travers sa bibliographie avec pour nouvelle étape The Folding Knife.
Bassianus Arcadius Severus (mais il préfère qu’on l’appelle Basso) est le premier citoyen de la République Vesani. On suit son ascension, son règne et bien évidemment sa chute.
Le titre de l’ouvrage met l’accent sur un couteau particulier. L’objet en question ne sera pas très présent dans le récit mais fera tout de même son apparition à quelques mots clés de la vie du personnage. Un ou deux autres couteaux feront aussi leur apparition. Le roman va faire revenir régulièrement l’idée de vengeance et de justice, généralement par le biais d’un personnage qui confond allègrement les deux et qui ne vit que pour ça. J’aurais volontiers coller de sérieuses paires de baffes à ce personnage, voire franchement pire.
Parker va aussi beaucoup parler des raisons pour lesquelles les gens font des choix. Les grandes décisions que prend Basso semblent souvent motivées par une raison principale. Mais Parker montre justement que pour chaque décision, il n’y a pas nécessairement une unique raison mais au contraire bien souvent toute une série. On voit aussi que les « bonnes « décisions sont parfois motivées par de « mauvaises » raisons et on ne peut pas s’empêcher de demander si quelque chose doit primer de l’intention ou du résultat.
Plusieurs des textes de Parker semblent se passer dans un univers de fantasy où la magie est absente et qui rappelle un peu la renaissance par certains aspects. Si l’on trouvera encore quelques pointes d’Italie du Quattrocento, notamment un petit côté Venise, c’est surtout du côté de la République romaine que l’auteur puise son inspiration. Tant dans son fonctionnement et dans son évolution, la République Vesani reproduit un certain nombre d’éléments de l’histoire de la Ville Éternelle. On retrouve ainsi des choses qui rappelle la relation César-Octave, la Guerre des Gaules, l’opposition optimates/populares, etc. Mais Parker évite le simple décalque et montre d’ailleurs qu’il comprend le modèle dont il s’inspire, par les différences qu’il utilise. Ainsi la République Vesani repose majoritairement sur l’usage de mercenaires étrangers pour mener ses guerres, là où la République romaine forgea une armée basée sur ses citoyens. Ce type de différence ne sera pas sans impact sur le récit, preuve que l’auteur comprend le modèle qu’il manipule.
Parker a toujours son soucis du détail. S’il est question de tailler une barbe, on apprendra quelle est la mode en la matière ou les outils employés pour l’opération. Le même soucis est toujours présent concernant la politique, la finance et les opérations militaires, trois aspects importants de ce roman. On a d’ailleurs là une nouvelle preuve que Parker comprend et sait utiliser ses trois éléments, chose que je trouve assez rare dans la fantasy. La finance est complexe, la politique souvent motivée par des motifs irrationnels et la guerre a parfois des ressorts improbables.
J’apprécie aussi beaucoup la façon qu’a Parker d’écrire du point de vue de ses personnages. Notamment le fait que ses protagonistes analysent parfois la situation avec le prisme de leur profession. Ils essayent de rapprocher les choses d’éléments qu’ils comprennent et maîtriser et se livrent donc parfois à des analogies avec leur métier. J’aime aussi le fait que c’est un auteur qui utilise régulièrement les lettres, missives et autres courriers de toutes sortes. Dans des univers sans technologie de communication, la seule alternative à la discussion reste la correspondance écrite. Et chez Parker, les personnages réfléchissent à ce qu’ils écrivent, hésitent, raturent ou jettent la première version de leurs lettres. De plus, les lettres s’égarent parfois un peu, on donne des nouvelles à côté des informations importantes que l’on doit transmettre, etc. Bref, ça ressemble vraiment à ce que des gens d’une société pré-téléphone font. Là aussi, je trouve que c’est souvent soit mal utilisé soit carrément occulté dans la plupart des ouvrages de fantasy.
Parker a une capacité à décevoir les attentes. Pas de façon négative, en tout cas pour moi en tant que lecteur. Par contre, c’est parfois cruel pour les personnages. A la fin de The Folding Knive, certains personnages sont frustrés de certaines ambitions, parfois pour des raisons idiotes. Le destin s’amuse bien avec le côté vain de certaines ambitions humaines. Je constate d’ailleurs que Parker sait aussi écrire des personnages qui arrivent à se résigner et sont capables de faire une croix sur un espoir déçu sans trop chercher à se venger.
Avec The Folding Knive, K. J. Parker réussit une nouvelle fois à m’emballer. Dès les premières pages j’ai retrouvé le plaisir que j’ai à lire cet auteur. J’ai retrouvé une bonne partie de ses habitudes et apprécié le récit construit sur le canevas de l’histoire de la République romaine. Tout ça mené jusqu’à une fin où le destin a de toute façon le dernier mot. Vivement que je me lance dans le roman suivant de l’auteur, The Hammer.
The Folding Knife
de K. J. Parker
illustration de Lauren Panepinto
éditions Orbit
442 pages (format moyen)
C’est un auteur qu’il faudrait vraiment que je retente. J’avais bien apprécié les deux premiers tomes du Charognard à l’époque de leur sortie mais c’était à l’époque ou je ne lisais pas en VO donc je n’ai jamais lu la fin.
Les livres que tu as chroniqué me tentent plus ou moins tous mais j’avoue que pour l’instant j’ai mes yeux rivés sur son tout dernier livre : Sixteen Ways to Defend a Walled City
J’ai vraiment envie de le lire donc je pense que je commencerais par celui ci avant de relire les 2 premiers tomes et terminer le charognard 🙂
Je les fait à peu près dans l’ordre, donc j’ai encore de la route avant d’arriver à Sixteen Ways… mais j’avoue que le titre fait vraiment envie.
Si tu retentes Charognard, je serai très curieux de voir ce que tu penseras de la fin du troisième volume et le regard que tu auras sur la trilogie en général. Je trouve que Parker y fait un truc assez rare, voire osé.