Il y a quelques temps, j’ai lu un space opera assez sympathique et plutôt différent de mes habitudes dans le genre : The Long Way to a Small Angry Planet (Un an dans l’espace en français) écrit par Becky Chambers. L’autrice ayant continué à explorer le même univers, j’ai décide de lire le volume suivant : A Closed and Common Orbit (traduit en Libration en français).
Si l’ouvrage se place dans le même univers que le précédent, on va suivre des personnages différents (au moins en partie). D’une part, Lovelace l’ancienne IA du vaisseau qui s’est incarnée dans un corps et découvre les joies de la vie matérielle. D’autre part, la vie passée de Pepper.
Bien que ce roman face suite au précédent, il peut assez facilement se lire seul. Chambers donne suffisamment d’éléments pour qu’on s’en sorte sans soucis. Si le premier volume permettait surtout de découvrir l’univers créé par l’autrice et de partir à la rencontre des différentes espèces sentientes peuplant la galaxie, ce deuxième opus diffère en terme d’intérêt. Cette fois, c’est le parcours des deux personnages principaux et la façon dont elles apprennent à interagir avec leur environnement qui constituent le cœur du récit.
Le premier parcours que l’on suit est celui de Lovelace, l’IA qui a quitté son vaisseau et intégré un corps qui doit lui permettre de se fondre dans la foule des créatures organiques. Une existence qui impose une certaine clandestinité puisqu’elle doit se faire passer pour un être de chair et de sang. Cette situation va soumettre l’IA à plusieurs défis. Elle va découvrir les émotions et la façon dont son enveloppe les lui transmet. A ce sujet, je trouve intéressante l’approche synesthésique choisie par le concepteur de ces corps artificiels. Cette enveloppe ne permet plus non plus à l’IA d’être connectée en permanence au réseau et d’accéder à volonté à un savoir quasi-infinie. Elle n’a plus maintenant qu’une mémoire limitée et ne peut plus stocker tout ce qui lui plait. Elle est aussi confrontée à une vision du monde radicalement différente. Au lieu d’être une enceinte dans laquelle vivent d’autres êtres, qu’elle peut surveiller en permanence par l’intermédiaire d’une armada de capteurs, elle devient un individu comme les autres et avec une seul entrée vidéo (ses yeux) et une seule entrée audio (ses oreilles). Enfin, les protocoles implantés dans une IA l’empêchent de mentir. Voilà qui devient une véritable épée de Damoclès pour Lovelace. Est-il possible d’altérer ses protocoles ? Et attendant, quelle stratégie peut-elle adopter pour éviter de se dévoiler ? Autant de défis intéressants que propose l’autrice et que j’ai suivi avec intérêt.
L’autre parcours est celui de Pepper. On part cette fois dans le passé du personnage plutôt que son présent. Ce récit est très intéressant car on suit quelqu’un qui a grandit dans un environnement très contrôlé et limité et dont la connaissance du reste de l’univers est quasi nulle. Au point de ne pas savoir qu’il existe quelque chose en dehors du bâtiment dans lequel elle a été élevée. C’est cette découverte permanente qui va constituer le cœur de ce fil narratif, avec en particulier la rencontre et les interactions avec un autre protagoniste. Un récit vraiment touchant. Chambers nous plonge tout aussi bien dans le point de vue d’une fillette qui découvre des concepts comme celui de ciel ou d’animaux que dans celui d’une IA limitée à un corps humanoïde. On peut aussi trouver un intérêt supplémentaire dans la comparaison des deux parcours, observer les points communs et les différences.
Avec A Closed and Common Orbit, Becky Chambers livre un roman un peu plus centré sur les personnages que le précédent et surtout propose deux parcours de vie originaux et intéressant, tout en parvenant à rendre ses personnages attachant. La preuve que l’on peut faire du space opera sans guerre galactique ni grand méchant. Le seul défaut réside pour moi dans l’édition française. L’Atalante a trouvé le moyen une nouvelle fois de produire un titre français nettement en-deça de l’orignal et l’illustration de couverture est à l’avenant. Dans les deux cas, ce sont des habitudes de l’éditeur nantais qui me semble avoir un sérieux problème de goût. C’est dommage, mais ça ne devrait pas arrêter le lecteur intéressé par l’ouvrage.
Libration (A Closed and Common Orbit)
de Becky Chambers
traduit par Marie Surgers
illustration de Clémence Haller
éditions L’Atalante
380 pages (grand format)
disponible en numérique chez 7switch