J’ai parlé ici il y a quelques temps de La patrouille du temps, premier volume de la série du même nom de Poul Anderson. Voyons un peu ce que donne le deuxième volume, intitulé Le patrouilleur du temps.
Ce deuxième volume contient seulement trois textes : deux novellas et une nouvelle qui vont à nouveau nous emmener à différentes époques.
La première novella, D’ivoire, de singes et de paon, se passe pendant l’antiquité, dans la florissante ville de Tyr, au temps de sa splendeur. Manse Everard est à la recherche d’un criminel qui menace le cours du temps. On voit de quelle façon le membre de la patrouille du temps s’installe dans une époque et un lieu particulier. Anderson parvient à donner vie à cette cité et à faire ressentir l’émerveillement devant la découverte d’une époque particulière. On voit aussi que le danger de modification de l’histoire est présent un peu partout et que l’on peut assez facilement trouver où et quand créer des points de divergence. Bien que le texte date des années 1980, il sent encore la vieille SF par certains aspects, en particulier les personnages féminins et le traitement de leurs relations avec les hommes. La façon dont Everard refile l’une de ses conquêtes à quelqu’un d’autre à de quoi faire grincer des dents.
La seconde novella, Le chagrin d’Odin le Goth, est centrée sur un personnage différent et Everard n’apparait qu’à la périphérie de l’histoire. On s’intéresse cette fois à Carl Farness, un universitaire qui profite du voyage dans le temps pour améliorer sa connaissance d’un mythe gothique. Avec le risque de s’impliquer un peu trop dans l’époque qu’il visite. L’action s’étale cette fois sur plusieurs décennies, au fil des visites de Carl chez les goths. Il est très intéressant de voir non seulement la façon dont il va s’intégrer dans les mythes germaniques/nordiques mais aussi l’évolution de ces derniers au fil du temps. Anderson explique très bien, par l’intermédiaire de son personnage, la façon dont une religion ou un mythe évolue avec le temps, se modifiant en passant d’une culture à une autre, etc. Ce phénomène, réel, historique et ici bien présenté, est assez peu utilisé dans la fantasy, à l’exception de quelques auteurs comme Steven Erikson. Je suis donc très heureux de le voir traité dans cette novella.
Le dernier texte, La mort et le chevalier, est une nouvelle qui s’intéresse à la fin des Templiers en France, après leur arrestation sur ordre de Philippe le Bel. La reconstitution est tout aussi soignée que dans les précédents textes, mais ça me semble finalement un peu moins intéressant, même s’il y a de bonnes choses à en garder.
Avec ces trois textes, ce recueil propose des choses vraiment intéressantes. Je trouve la nouvelle finale nettement en dessous du reste et les relations hommes-femmes sentent parfois la vieille SF. Mais le soin accordé par Anderson à la reconstitution historique est vraiment bien poussée, avec un résultat très satisfaisant, et les deux novellas proposent de belles choses au niveau des idées, en particulier la seconde pour ceux qui sont intéressés par l’histoire des mythes. De mon côté, je devrais lire le volume suivant de la série, La rançon du temps.
Le patrouilleur du temps
de Poul Anderson
traduit par Jean-Daniel Brèque
illustration de Gil Formosa / Manchu
éditions Le Bélial / Livre de poche
286 pages (format moyen) 384 pages (poche)
Petite précision à propos de « La Mort et le Chevalier »: dans l’ordre chronologique, c’est le dernier récit du cycle, mais le faire figurer à la fin du « Bouclier du temps » aurait rendu ce volume encore plus gros. Finalement, nous nous sommes résolus à la placer dans ce deuxième volume.
Lors de l’édition de l’intégrale en deux volumes dans la collection « Kvasar », nous avons corrigé ce petit défaut.