Il y a un peu plus d’une dizaine d’années, j’ai chroniqué ici Black Man, un roman de SF de Richard Morgan dont j’ai depuis relu et par la même occasion chroniqué sa trilogie Takeshi Kovacs. Après une incursion dans la fantasy, l’auteur est revenu à la SF avec Thin Air, un ouvrage se passant dans le même univers que Black Man. Ce nouveau roman venant d’arriver en France, j’en ai profité pour relire le précédent. Et à cette occasion, je tente une expérience : refaire une chronique sur un ouvrage déjà chroniqué.
Carl Marsalis est un variante treize : un humain génétiquement modifié dans le but d’en faire un soldat plus « efficace ». Après des années de service, son travail consiste maintenant à traquer ses frères non autorisés. Sans être routinier, son activité n’est pas tellement propice aux surprises. Jusqu’à ce que le crash d’un vaisseau de retour de Mars l’entraine dans une affaire particulière.
La première différence entre ce roman et la trilogie Kovacs tient dans le fait que le récit n’est plus à la première personne. De plus, le point de vue adopté n’est pas unique puisqu’on a en fait deux points de vue principaux plus quelques autres annexes. Le futur que nous décrit Morgan est aussi moins éloigné dans l’avenir et l’action se cantonne à la Terre, même si on en parcourt divers endroits. Ceci fait que l’on peut se sentir un peu plus proche de certaines des choses qu’il décrit. L’auteur gère toujours bien le rythme de son récit et il garde sa capacité à bien faire ressentir l’action et la violence. Il se débrouille aussi plutôt bien avec les ficelles de ce genre d’intrigues : les éléments qui semblent sans rapport mais qui finissent par en avoir un, ce qui semble relever du hasard mais qui a un sens et qui paraissait en avoir un et qui est en réalité coïncidence, etc. On retrouve aussi quelques éléments récurrents chez Morgan, notamment la détestation pour les violences contre les femmes.
L’auteur peuple son ouvrage d’une multitude d’éléments, des petits détails aux grandes choses, qui permettent de donner corps à son univers. J’ai notamment apprécié le portrait qu’il fait d’une Amérique future morcelée pas improbable, surtout vu la façon dont les choses ont évolué depuis la sortie de l’ouvrage. L’une des choses que j’ai trouvé intéressante dans Black Man, c’est la présence de Mars. Le monde en cours de colonisation est régulièrement évoqué dans le texte, il a un rôle important dans le déclenchement de l’intrigue. On voit bien l’attrait qu’elle exerce sur pas mal de gens, le rêve d’un monde meilleur, quand pour Marsalis il s’agit plutôt d’une terre des illusions perdues. On peut voir aussi l’importance de l’initiative coloniale des Nations Unies dans cet univers. Et pourtant, on ne mettra jamais les pieds sur Mars de tout le récit. C’est presque une arlésienne.
Avec ce bon pavé, Richard Morgan s’écarte de sa série Takeshi Kovacs tout en restant un peu dans sa lignée. J’apprécie toujours sa façon de rythmer un récit et de construire un univers. Si je conservais quelques souvenirs de choses précises, j’en ai redécouvert pas mal d’autres et avec grand plaisir. Morgan apporte quelques réflexions, sur la maltraitance des femmes, la sélection génétique et la nature humaine, la bigoterie, etc. Bien que l’ouvrage soit assez épais, je l’ai relu assez rapidement. Maintenant, il ne me reste plus qu’à mettre la main sur Thin Air et voir enfin à quoi ressemble la Mars de cet univers.
Black Man (Black Man)
de Richard Morgan
traduit par Cédric Perdereau
illustration de David Pairé
éditions Bragelonne
780 pages (poche)
Disponible en numérique chez 7switch