K. J. Parker a écrit plus d’une dizaine de romans ainsi que de nombreuses nouvelles. Mais l’auteur s’est aussi lancé il y a quelques années dans une autre expérience littéraire : écrire un feuilleton publié en numérique. Ainsi commença The Two of Swords qui connu dix-neuf épisodes. Par la suite, le feuilleton a été publié en papier sous la forme de trois volumes. C’est dans cette version que j’ai décidé de me plonger.
L’empire est en guerre avec lui-même. Ou plutôt sa moitié ouest contre sa moitié est, depuis que le neveu de l’empereur s’est rebellé contre son oncle. Cette affrontement étatique est doublé d’un affrontement familial entre deux frères, chacun dirigeant les armées d’un camp. Et au milieu de ce pays en guerre, toute une collection de personnages tentent d’agir sur les événements ou se font malmener par ces derniers.
Comme à mon habitude avec Parker, je ne savais rien du contenu de cette série avant de m’y lancer. Je retrouve l’univers qu’il a déjà exploré dans nombre de ses textes, tout en constatant une fois de plus que ce fait n’a pas grand importance pour le récit. Son œuvre peut vraiment se parcourir dans n’importe quel sens, ce qui est une bonne chose pour les néophytes. Je retrouve aussi avec plaisir la plume de l’auteur, que je savoure dès les premières lignes. Son amour du détail est toujours présent, ainsi que sa capacité à proposer une vision du monde par le prisme de ses personnages. Les petites obsessions de l’auteur sont aussi de la partie : l’archerie, la guerre dans sa complexité comme la levée de civils et les problèmes d’encadrement. On voit un personnage hésiter sur ce qu’il va écrire. D’autres qui se sentent perdus face aux événements et n’arrivent pas à trouver comment agir. Enfin, une belle mise en pratique du principe qu’un acte n’a pas forcément une motivation unique. Une chose que les gens oublient trop souvent, aussi bien dans la littérature que dans la réalité.
De ce côté, j’ai eu le plaisir de voir que les épisodes contenus dans le premier volume ont tous un point de vue différent. Ainsi, chaque fin d’épisode voit la transmission du récit à un autre protagoniste. Cela permet à Parker d’offrir une vision assez variée de son univers, tout en plaçant tous les pions dont il aura besoin pour son histoire. Le second volume proposera aussi quelques points de vue supplémentaires mais revient dans certains épisodes sur des personnages du premier volume. Enfin, le dernier volume est découpé en quatre épisodes qui alternerons un peu les points de vue mais se focaliseront sur un en particulier. Cette évolution donne finalement un petit côté assez cohérent à ce regroupement en trois tomes.
Parker utilise un élément un peu singulier dans cette série : un jeu de carte. Si ce dernier n’a pas l’utilité du Tarot d’Ambre de Roger Zelazny ou du Deck of Dragons de Steven Erikson, il reste un outil utilisé par certains personnages pour faire de la divination. Le fait que les épisodes des deux premiers volumes sont intitulés d’après des cartes de ce tarot renforce cette dimension représentative du jeu de carte. Pourtant, sa particularité vient d’une autre caractéristique que je ne dévoilerai pas mais qui a une certaine originalité et son utilité dans le récit. L’auteur joue donc un peu sur l’identité qui peut se cacher derrière certaines des cartes, ce qui produit un peu de suspense.
Parker a toujours le chic pour savoir représenter quelques trucs que je trouve parfois un peu trop mal mis en scène dans la fiction. Ici, on ressent bien le sentiment d’abandon et le désarroi de personnages qui se retrouvent dans des contrées dépeuplées et qui ne peuvent que difficilement trouver de quoi se nourrir. On voit bien que l’orientation dans un pays inconnu, sans personne pour vous indiquer la route, en un univers où l’on n’a pas de panneau indicateur et pas forcément une carte, au demeurant imprécise, relève quasiment de l’exploit. De plus, l’auteur fait bien sentir au fur et à mesure que l’on progresse dans le récit que le conflit en cours vide petit à petit le pays de sa population. Les protagonistes ont de plus en plus de mal à rencontrer des gens.
En fin de compte, j’ai bien aimé ce récit épisodique. Je retrouve mes habitudes avec l’auteur, ses petites manies d’écriture, ses thèmes favoris, etc. La diversité des personnages proposés était intéressante. Et si l’ensemble aurait pu être un peu plus court, je n’ai cependant pas regretté une page du tout, tant je prends plaisir au style de l’auteur. J’ai aussi pu constater que si Parker sème beaucoup d’éléments dans son récit, il parvient à en rassembler pas mal de façon assez cohérente et en plus à me proposer quelques surprises en court de route. Bref, ce fut encore un bon moment passé en compagnie de l’auteur et je me lancerai avec toujours avec joie dans un autre de ses ouvrages, comme par exemple Sixteen Ways to Defend a Walled City.
The Two of Swords
de K. J. Parker
éditions Orbit
473, 390 et 370 pages (format moyen)