Parmi les personnes que je suis un peu sur les réseaux dans le domaine de l’histoire militaire, il y a le colonel Michel Goya, auteur du blog La voie de l’épée ainsi que de plusieurs ouvrages. L’un de ces derniers concerne la fin de la première guerre mondiale et la façon dont l’Entente l’a emporté. Mes souvenirs étant un peu brumeux sur le sujet, j’ai profité de la sortie en poche de l’ouvrage pour m’y intéresser.
L’auteur commence par faire un état de la situation fin 1917-début 1918. On voit bien le dilemme du côté allemand. D’une part, la guerre étant finie sur le front Est, cela libère des troupes, encore qu’une partie non négligeable soit contrainte d’y rester pour contrôler les territoires occupés. D’autre part, le blocus imposé par les forces de l’Entente au début du conflit fait ressentir ses effets et l’Allemagne commence à souffrir d’asphyxie économique, sans parler de pénurie alimentaire. Il faut donc vaincre rapidement à l’Ouest, par une offensive décisive.
Du côté des alliés, on a conscience de la situation de l’adversaire et on réfléchit à la façon d’y faire face, alors que les États-Unis sont certes entrés en guerre, mais leurs troupes ne sont pas encore en état de combattre et d’apporter une contribution importante aux combats.
Goya montre bien les évolutions de l’armée française. Que ce soit au niveau tactique, sur la composition des unités, que sur des aspects plus « large » comme la mobilité assurée par des camions et des routes (là où les allemands font encore usage du rail, moins souple) ou la formation de grandes unités d’artillerie. Il présente aussi l’évolution du haut commandement, avec la mise en place d’une direction plus ou moins commune avec les britanniques. On verra que si c’est loin de fonctionner de manière idéale, ça va quand même permettre aux alliés de mieux s’en sortir.
Vient alors le déroulé des événements, avec les offensives allemandes du printemps 1918, leur échec, puis la reprise du terrain perdu par les alliés pendant l’été, avant la grande offensive à l’automne qui s’interrompt avec la fin de la guerre. L’auteur montre bien comment les changements qu’il a présenté auparavant permettent ces événements.
La mémoire française sur la Grande Guerre étant souvent focalisée sur le front de l’Ouest, avec ses Verdun et autre Chemin des Dames, Goya n’oublie pas de consacrer un chapitre à l’Armée Française d’Orient. Après avoir passé un long moment à végéter à Salonique en Grèce, les rescapés de la désastreuse expédition des Dardanelles, augmentés des restes de l’armée Serbe et d’autres troupes alliées, parviennent à passer à l’offensive en 1918, avec des résultats spectaculaires qui finissent de mettre par terre l’Empire Austro-Hongrois et menacent le flanc sud des allemands.
Enfin, l’auteur termine son ouvrage avec un état des lieux à la sortie du conflit et une présentation de la façon dont la pensée militaire française va se scléroser pendant l’entre-deux-guerres.
Les vainqueurs est donc un ouvrage peu encombrant mais très éclairant sur la fin de la Grande Guerre. Michel Goya présente de façon claire et avec une plume agréable à lire les évolutions qui ont conduit les alliés à la victoire. L’analyse ne se contente pas d’égrener les événements militaires mais montre bien que la préparation à la bataille et la façon d’aborder le problème a son importance. Tout en sachant s’éloigner du front de l’Ouest, qui captent toutes les attentions mais qui n’est pas le seul élément en jeu. Les quelques cartes qui émaillent l’ouvrage sont claires et permettent de bien suivre les évolutions de la ligne de front. Le sujet de l’ouvrage est assez précis et intéressera donc qu’un public particulier, mais il répondra bien au besoin de ceux qui le liront.
Les vainqueurs
Comment la France a gagné la Grande Guerre
de Michel Goya
éditions Tallandier
274 pages, plus notes, chronologie, bibliographie et index (poche)