J’aime bien de temps en temps me lancer dans la lecture de gros pavés. Et il n’y a pas que dans la fantasy à la George R. R. Martin ou la SF à la Peter F. Hamilton que l’on trouve facilement ce genre d’ouvrage. Il y a aussi de quoi faire du côté des bouquins historiques. C’est ainsi que je me suis lancé dans une biographie de Charlemagne par Jean Favier, historien de bonne réputation.
Tout le monde connaître Charlemagne, au moins de nom et par le biais de quelques légendes, sur l’invention de l’école, sa barbe fleurie ou la chanson de Roland. La réalité est évidemment différente et bien plus compliquée et Jean Favier s’emploie à le décrire le mieux possible.
Comme dans tout bon bouquin d’histoire, on commence avant le début. Car il n’est pas d’intérêt de parler de Charlemagne sans parler a minima de son père, Pépin le Bref, et de son grand-père, Charles Martel. Favier s’attèle à la description de la fin de l’ère des Mérovingiens et de leur éviction du trône par les Pippinides. Cette partie est très intéressante, d’abord parce que l’auteur présente la situation des divers royaumes francs (Austrasie, Neustrie, Aquitaine et Bourgogne) ce qui est déjà bien utile au lecteur qui ne les connait pas forcément très bien, voire pas du tout. On voit ainsi comment pendant les décennies qui précèdent le règne de Charlemagne cet agglomérat d’entités se fondent peu à peu en un seul royaume. Ensuite, cet sorte de prologue permet aussi à Favier d’expliquer la façon dont évolue à cette époque l’idée de roi, ce qui le légitimise, son rapport au Pape, etc.
On va ensuite faire le tour de la vie de Charlemagne, de sa jeunesse comme prince jusqu’à sa disparition. On verra les très nombreuses campagnes militaires qu’il mena pour élargir son territoire. Son accession au titre d’empereur et du rapport que cela signifiait vis à vis de Rome et de son Pape, ainsi que de Byzance et de son Empereur. Son entourage, famille et conseillers, les réformes tentées dans différents domaines. L’essor de la Renaissance carolingienne.
Favier en profite aussi pour continuer son portrait du pays et du temps de Charlemagne. On verra donc comment s’organise l’administration, la justice, le commerce. L’auteur parvient même à intéresser à des sujets surprenants et un peu aride comme le bimétallisme monétaire. Ce détail dans la présentation du temps et des lieux de Charlemagne est vraiment une très bonne chose, car elle permet de mieux apprécier le fil de son existence, en comprenant son environnement, fort différent du notre sur certains points.
Enfin, Favier n’oublie pas de parler non seulement de la succession immédiate de l’empereur, avec son seul fils survivants Louis le Pieux, puis ses divers petits-enfants qui se partageront et disputeront son empire. L’auteur s’intéresse naturellement à l’héritage mémoriel du personnage, avec l’évolution de la vision que l’on en a au fil des époques. Point important, Favier rappelle bien que si Charlemagne est vu comme une figure importante de l’histoire de France, un incontournable du roman historique à l’ancienne, il est une figure à peu près similaire outre-Rhin.
Arrivé à la fin de ce pavé de sept cents pages, je ne regrette pas de m’y être lancé. Non seulement ce fut très intéressant sur le personnage mais aussi sur son époque. Et la plume de Favier rend ça très lisible, tout en étant capable de parler de choses assez techniques. Disposant déjà d’une autre biographie du même auteur, cette fois consacrée à Philippe le Bel, je compte bien ne pas laisser cet ouvrage prendre la poussière trop longtemps.
Charlemagne
de Jean Favier
éditions Tallandier / collection Texto
environ 760 pages (poche)