L’un des livres qui a marqué mon parcours de lecteur de littérature historique fut La guerre de Sécession (Battle Cry of Freedom en anglais) de James McPherson. Un pavé de près de mille pages consacré au conflit qui déchira les États-Unis au 19e siècle. Ce livre a fait une très forte impression chez moi, par sa mise en place du contexte et la multiplicité des angle de vue sur son sujet. J’ai eu par la suite l’envie de trouver un livre équivalent sur un autre événement clé de l’histoire de ce pays : la guerre d’indépendance. Et c’est en anglais que j’ai fini par trouver ce The Glorious Cause écrit par Robert Middlekauff, un ouvrage publié dans la même collection que celui de McPherson.Comme d’habitude, on regarde toujours en amont des événements qui vont être présentés. Ainsi, Middlekauff revient sur la sortie de la guerre de Sept Ans et même un peu en amont sur certains points. Il propose un panorama de la situation des colonies britanniques en Amérique, ainsi que de l’état du Royaume-Uni et de ses finances suite aux guerres à répétition (notamment contre la France). Car l’un des éléments qui va provoquer l’indépendance des colonies est une question fiscale. Et les ennuis commencent nettement avant la célèbre Tea Boston Party. On voit effectivement qu’a plusieurs reprises Londres tentent d’imposer une forme ou une autre de taxation sur les colonies et qu’à chaque fois ces dernières connaissances de sévères remous qui conduisent à annuler chaque essai.
Ce problème fiscal va très vite se coupler à un problème de représentation : les colons n’ont pas de représentants élus à Westminster, qui décide notamment de la politique fiscale imposée aux colonies. Le slogan « pas de taxation sans représentation » devient rapidement un leitmotiv. L’auteur montre bien le décalage entre les revendications des colons et la vision des choses vues de Londres : pas besoin de représentation, les colons sont justement défendus par des gens qu’ils n’élisent pas. L’incapacité de Westminster à comprendre le problème est assez impressionnante.
Ces problèmes fiscaux sont aggravés par des législations qui grosso-modo imposent aux colons de tout importer du Royaume-Uni : le commerce leur est interdit avec les autres nations/colonies. Ainsi les produits provenant des Caraïbes doivent passer par l’Albion pour ensuite repartir vers les colonies. Ce circuit permet éventuellement d’accorder un monopole sur un produit (comme le thé) à une entité bien en vue à Westminster.
Un autre élément contribue à la situation, pas forcément aussi visible : la démographie. Au début du 18e siècle, la population des treize colonies d’Amérique ne représente qu’une toute petite fraction de celle des îles britanniques. En 1770, cette proportion est passée à quasiment un quart. Son point économique s’est donc fortement accru alors que son pouvoir politique est toujours au point mort. De plus, la rapide expansion démographique poussent à une extension de la colonisation vers l’intérieur des terres, alors que Londres imposent des limites à ces extensions, notamment pour ne pas trop se mettre en froid avec les tribus amérindiennes.
Au-delà de ces grands aspects qui unissent plus ou moins les colonies contre une couronne perçue comme de plus en plus lointaine et oppressante, Middlekauff brosse aussi le portrait des différentes colonies et de ce qui les différencient. Car elles sont loin de former un tout homogène. Que ce soit la taille ou la composition géographique, la diversité de la population ou les ressources économiques, les treize colonies forment presque autant de profil. On voit donc comment des entités aussi disparates en viennent à s’unir autour d’une cause commune.
Les tractations qui mènent à la déclaration d’indépendance n’ont rien de simple et l’auteur en rend bien la complexité. S’ensuit alors toute la phase conflictuelle de cette indépendance, avec la constitution d’une armée coloniale et le combat à mener contre les troupes envoyés par Londres. Middlekauff détaille assez bien les diverses batailles et manœuvres qui vont ponctuer le conflit, avec les hauts et les bas des insurgés, les difficultés pour les britanniques de trouver l’ennemi parfois insaisissables et les tractations diplomatiques pour essayer d’intéresser d’autres puissances, comme la France. Sur ce point, on notera que l’auteur montre clairement l’importance de cette contribution à la victoire finale.
Enfin, une fois un accord trouvé avec Londres et l’indépendance clairement reconnu, l’affaire doit accorder arriver à sa conclusion : l’écriture d’une constitution. Un chantier qui va demander au moins autant d’efforts et de négociations que la déclaration d’indépendance. Cette partie est particulièrement intéressante, car l’auteur montre comment les différences entre les colonies vont amener à la rédaction d’une constitution dont les effets se font encore voir aujourd’hui, notamment avec une chambre, le Sénat, qui amène un certain déséquilibre dans la représentation des différents états.
The Glorious Cause est un ouvrage imposant, riches de détails et dans lequel l’auteur essaie d’expliquer comment treize colonies disparates se révoltent contre leur autorité mère et en viennent à former une nouvelle nation. Et non seulement ce livre y parvient, mais il permet aussi de comprendre en partie certains des mécanismes qui régissent encore aujourd’hui le fonctionnement politique de ce pays. C’est ce que j’espérais y trouver et je n’ai pas été déçu.
The Glorious Cause
de Robert Middlekauff
éditions Oxford University Press
687 pages, plus bibliographie et index (grand format)